L’ORDRE DES CHOSES, de Andrea Segre – 1h55
Avec Paolo Pierobon, Giuseppe Battiston, Olivier Rabourdin
Sortie : mercredi 7 mars 2018
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Policier italien de grande expérience, Rinaldi est envoyé par son gouvernement en Libye afin de négocier le maintien des migrants sur le sol africain. Sur place, il se heurte à la complexité des rapports tribaux libyens et à la puissance des trafiquants exploitant la détresse des réfugiés.
Au cours de son enquête, il rencontre dans un centre de rétention, Swada, une jeune somalienne qui le supplie de l’aider. Habituellement froid et méthodique, Rinaldi va devoir faire un choix douloureux entre sa conscience et la raison d’Etat : est-il possible de renverser l’ordre des choses ?
Et alors ?
Remarqué en 2010 par La Petite Venise notamment, Andrea Segre retrouve ici un thème qui lui est cher – la solitude des minorités – pour nous plonger dans le chaos libyen. Ce récit a d’ailleurs vu corps en 2014, une année terrible pour la Libye. On se battait dans l’aéroport de Tripoli et toutes les
opérations étaient bloquées. En prime, les chancelleries -y compris l’Italie- avaient fermé leurs représentations sur le territoire libyen. À la même période, les opérations de sauvetage des migrants ont été lancées dans le cadre de Mare Nostrum, opération militaro-humanitaire lancée par Enrico Letta, président du Conseil italien en 2013, pour secourir les migrants en mer après le naufrage meurtrier de Lampedusa.
« Ces opérations ont permis de positionner des navires militaires italiens dans les eaux territoriales internationales, en face de la Libye. Cette flottille a été renforcée par d’autres pays européens. La présence de tous ces navires a permis de continuer à former les garde-côtes libyens en dépit du chaos qui régnait dans leur pays », souligne Andrea Segre. Avec Marco Pettenello, il a mis à profit la lenteur inhérente d’une production cinématographique pour nourrir son histoire des actualités du moment, ce qui donne à son film une indéniable vraisemblance.
Cette lenteur se retrouve dans les pérégrinations de ce flic italien intègre qui n’hésite pas à monter au créneau quand il juge que c’est juste pour l’ordre des choses. Et Andrea Segre montre, par petites touches, comment la prévarication joue à tous les niveaux et où la liberté de certains migrants peut tenir à quelques subventions européennes.
Originale, l’idée de faire de Corrado Rinaldi, si finement campé par Paolo Pierobon, un ancien champion d’escrime passionné au point de transformer sa chambre d’hôtel libyen, via un jeu vidéo, en piste d’assaut. « Nous avons utilisé l’escrime pour construire ce personnage. Ce sport, qu’il ne connaissait pas et pour lequel il s’est entraîné pendant un mois pour le film, lui a permis d’entrer dans la psychologie du personnage. Ceux qui pratiquent l’escrime sont très attentifs à leur propre psychologie. Un escrimeur est très précis et très concentré. Et détail important, il est caché derrière un masque », poursuit Andrea Segre.
À travers l’histoire de ce juste, qui ose se mouiller pour satisfaire à son sens éthique, Andrea Segre nous incite avec une vraie intelligence à nous interroger sur la crise identitaire qui parcourt l’Europe entière. En montrant les choix de Corrado, en filmant les réactions d’une Swada, le cinéaste signe un opus politique subtil et dérangeant.

