L’APPARITION, de Xavier Giannoli – 2h17
Avec Vincent Lindon, Galatea Bellugi, Patrick d’Assumçao, Anatole Taubman
Sortie : mercredi 14 février 2018
À mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
Grand reporter pour un quotidien français marqué par la mort d’un confrère en Syrie, Jacques reçoit un jour un mystérieux coup de téléphone du Vatican. Dans une petite ville du sud-est de la France une jeune fille de 18 ans a affirmé avoir eu une apparition de la Vierge Marie. La rumeur s’est vite répandue et le phénomène a pris une telle ampleur que des milliers de pèlerins viennent désormais se recueillir sur le lieu des apparitions présumées. Jacques qui n’a rien à voir avec ce monde-là accepte de faire partie d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur ces événements.
Fasciné par le mensonge – de A l’origine à Marguerite – Xavier Giannoli a trouvé dans cette histoire le scénario idéal pour pousser plus loin son interrogation sur la foi, en choisissant de centrer son histoire sur le personnage du journaliste qui se situe un peu en marge du monde religieux mais cherche,en bon enquêteu, à expliquer rationnellement les faits . Le réalisateur souligne : « C’est comme cela que j’ai eu l’idée de ce personnage de journaliste qui part enquêter sur un fait a priori incroyable : une apparition de la Vierge Marie, aujourd’hui, en France. Ni un bigot ou un athée cynique mais juste un homme libre qui voudrait démêler le vrai du faux. Et j’ai aimé découvrir que cette enquête allait m’échapper et se déployer autrement, ailleurs. »
Ce qui est intéressant dans ce film, c’est que Xavier Giannoli échappe à bien des pièges de caricature ou de médiatisation de tels sujets sur les apparitions et autres croyances religieuses. Il le fait notamment en montrant des personnalités de l’Église qui sont, a priori, très sceptiques sur de telles manifestations et veulent avoir des preuves tangibles des faits avancés par la petite communauté un brin illuminé.
Il a d’ailleurs nourri son scénario de rencontres avec des personnes qui ont participé à
des enquêtes canoniques : « Ma première surprise a été de rencontrer des hommes et des femmes qui n’avaient rien d’illuminés prêts à croire tout et n’importe quoi. Au contraire, ils traquent les impostures et les faussaires, impliquent des médecins et des historiens dans leurs recherches. Mais le problème, c’est qu’ils sont tenus à un strict devoir de secret. »
Et de fait, entre le prêtre qui sert de chaperon à la jeune Anna (Galatea Bellugi fait une prestation assez subtile et imprévisible pour un tel rôle), les fidèles dont certains pourraient aussi bien être membre d’une secte et l’équipe d’enquêteurs canoniques, Xavier Giannoli parvient à un propos nuancé. Le tout étant fort bien « porté » par les musiques du compositeur lithuanien contemporain, Arvö Part.
La réussite de cette approche tient en grande partie à la manière dont Vincent Lindon investit cette histoire avec sa manière physique d’aborder un rôle, de l’incarner dans une grande économie de verbe et de geste. « Vincent est toujours en mouvement, à l’aise dans la parole et très vite de plein pied avec les événements, souligne Xavier Giannoli. Comme tous les grands acteurs, c’est d’abord un corps, une force de vie qui touche les objets et interroge la présence physique des gens en face de lui et des décors qu’il traverse. Cette force d’incarnation, je savais que je l’aurai et que cela donnerait une réalité à l’enquête de Jacques, justement dans un univers où il est question de spiritualité. Jacques commence donc par être un corps étranger dans l’univers d’Anna… et il va rencontrer un regard. À la fin du film, on voit que le regard de Jacques a changé, qu’il perçoit désormais autre chose du monde et des êtres. Le journaliste qui a passé sa vie à chercher des preuves tangibles a rencontré sa limite. Il a découvert un monde où la preuve n’est rien et où l’invisible gardera ses secrets. »
Ce qui rend l’histoire un peu moins forte, c’est une fin qui maintient un certain halo autour de cette apparition. Alors, si la foi n’a pas besoin de preuves pour toucher certains, le flou du dénouement nous laisse un peu sur notre faim.

