FORTUNATA, de Sergio Castellito – 1h43
Avec Jasmine Tinca, Stefano Accorsi, Alessandro Borghi, Hanna Schygulla
Sortie : mercredi 24 janvier 2018
À mon avis : 4 sur 5
Fortunata a une vie tourmentée, une fille de huit ans et un mariage raté derrière elle. Elle est coiffeuse à domicile, vivant en banlieue, elle traverse la ville, entre dans les appartements bourgeois et colore les cheveux des femmes. Fortunata se bat tous les jours avec une détermination farouche pour réaliser son rêve : ouvrir un salon de coiffure et prendre en main son destin, conquérir son indépendance et son droit au bonheur. Fortunata sait que pour aller au bout de ses rêves, il faut de la persévérance : elle a pensé à tout, elle est prête à tout, mais elle n’a pas pris en compte la variable de l’amour, la seule force perturbatrice capable de faire vaciller toutes ses certitudes. Aussi parce que, pour la première fois peut-être, quelqu’un la regarde telle qu’elle est et l’aime vraiment.
Combattive et solaire Jasmine Trinca. Teinte en blonde, démarche et manières vulgaires, Jasmine Trinca est absolument métamorphosée dans cette comédie dramatique. Capable de faire passer bien des émotions contraires dans le portrait de cette femme volontaire et battante, elle est bluffante et sa prestation lui a valu le Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes dans la catégorie Un Certain regard. Après Nessuno si salva da solo, en 2015, c’est la deuxième collaboration entre la jeune comédienne et le réalisateur. Depuis qu’on l’avait découverte, adolescente, dans La Chambre du fils, de Nanni Moretti, quel beau chemin parcouru ! Une plongée dans le Rome prolétaire. On est loin de la ville touristique et antique dans ces séquences qui plongent le spectateur dans une Rome populaire où les petites
gens se battent pour survivre entre chômage et combines multiples. On y retrouve ainsi l’atmosphère de certains films d’un Pasolini avec ce regard d’un réalisme cru. Ce qui souligne encore plus la volonté de Fortunata de s’en sortir par tous les moyens. Commentaires de Sergio Castellito : « Fortunata est un adjectif qualificatif féminin singulier qui signifie “chanceuse”. Mais c’est aussi le prénom d’une femme. Et surtout un destin. Et il n’est pas dit que ce destin soit mérité. Il y a des hommes dans cette histoire qui ne sont pas d’accord avec l’idée que Fortunata puisse être heureuse. »
Une étonnante galerie de personnages secondaires. Dans ce monde déshérités
gravitent bien des figures. Avec l’irruption insolite de la communauté chinoise, présente tout au long de l’histoire et qu’il s’agit de choyer. Et Castellito de souligner : « Les Chinois sont les patrons du monde, on a tout intérêt à apprendre d’eux ». Enfin, il y a des figures fortes : Stefano Accorsi dans la peau du psychiatre éclaire; Edoardo Pesce qui campe un mari jaloux et violent… Enfin, il y a la belle surprise de la découverte d’une Hanna Schygulla, toujours surprenante et qui joue la vieille mère qui glisse doucement dans la démence sénile.
Belle interprétation, histoire forte et mise en scène ad hoc avec des plans très larges de la Rome périphérique assez saisissants : ce film est une bonne surprise en ce début d’année.


