MÉLANIE THIERRY, BLUFFANTE MARGUERITE DURAS

LA DOULEUR, de Emmanuel Finkiel – 2h06

Avec Mélanie Thierry, Benoit Magimel, Benjamin Biolay, Grégoire Leprince-Ringuet

Sortie : mercredi 24 janvier 2018

À mon avis : 3 sur 5

Le pitch ?

Juin 1944, la France est toujours sous l’Occupation allemande. L’écrivain Robert Antelme, figure majeure de la Résistance, est arrêté et déporté. Sa jeune épouse Marguerite, écrivain et résistante, est tiraillée par l’angoisse de ne pas avoir de ses nouvelles et sa liaison secrète avec son camarade Dyonis. Elle rencontre un agent français de la Gestapo, Rabier, et, prête à tout pour retrouver son mari, se met à l’épreuve d’une relation ambiguë avec cet homme trouble, seul à pouvoir l’aider. La fin de la guerre et le retour des camps annoncent à Marguerite le début d’une insoutenable attente, au milieu du chaos de la Libération de Paris.

Et alors ?

Dans cette adaptation sensible d’un des romans les plus personnels de Marguerite Duras et dont elle avait laissé « dormir » le manuscrit dans les armoires de sa maison de Neauphle-le-Château, Mélanie Thierry fait une composition tout à fait remarquable et exprime toute la détresse de la romancière. Et au cœur de son mal être, il y a ce que résume parfaitement son amant Dyonis (Benjamin Biolay) d’une formule lapidaire : « A quoi êtes-vous le plus attachée, à lui ou à votre douleur ? »

Mélanie Thierry campe aussi une auteure qui débute et qui doit surmonter bien des difficultés pour être reconnue surtout à une telle époque. La comédienne souligne : « Cette femme est à l’aube de son destin, elle rame pour trouver un éditer et n’est pas prise au sérieux par l’intelligentsia parisienne qui défile chez elle. Elle passe du temps aux fourneaux, se cache dans son bureau pour taper à la machine, et cherche encore sa voie. »

Face à elle, Benoit Magimel est le collaborateur parfait, capable de se coucher devant l’Occupant, comme de soutenir cette auteure qui la fascine et dont il est amoureux. Très à l’aise en costumes d’époque, Benoit Magimel joue aussi avec flegme l’amant désabusé qui fume cigarette sur cigarette et soutient celle qu’il aime sans oublier son compagnon d’armes. Même si la déportation attend le compagnon de Marguerite Duras qui survivra de justesse aux conditions de vie terribles.Pour restituer le climat d’une époque, Emmanuel Finkiel a fait un minutieux travail de recherche, s’est inspiré de Monsieur Klein,  et,  avec son chef opérateur, il a beaucoup ausculté les photos en couleurs d’André Zucca, « ces photos en couleur de l’Occupation, faites avec une pellicule peu sensible qui donne des couleurs très contrastées et saturées, avec des noirs et des rouges très marqués. » Pour autant, il évite bien des clichés sur l’époque et son film semble très vraisemblable.

Il évite aussi le piège du pathos en ne montrant que ponctuellement des déportés de retour des camps ou en montrant, à la fin,  Robert Antelme flou ce qui permet à l’imagination de chaque spectateur d’imaginer le pire.

Le résultat est un film émouvant même si la transposition de l’écrit à l’image n’évite pas certaines longueurs et certains pièges de la voix off qui lit le manuscrit de Duras d’une voix parfois un peu atone. Enfin, le choix d’accords discordants d’instruments à cordes pour soutenir les séquences où Marguerite Duras est en plein désarroi  manque vraiment de légèreté. A quoi bon surligner musicalement quand le jeu des comédiens suffit amplement à faire passer les émotions ?

Mais, cette Douleur reste une histoire d’une belle sensibilité et qui décrit parfaitement les tiraillements intimes de la romancière.

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