CŒURS PURS, de Roberto De Paolis – 1h55
Avec Selene Caramazza, Simone Liberati, Barbora Bobulova
Sortie : mercredi 3 janvier 2018
À mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
Agnese et Stefano vivent à Rome dans deux mondes que tout oppose. Elle, 18 ans, est couvée par une mère croyante qui lui demande de faire vœu de chasteté jusqu’au mariage. Lui, 25 ans, a grandi entre trafics et vols occasionnels, et veut s’affranchir de son milieu en acceptant un travail de vigile. Quand ils se rencontrent, se dessine l’espoir d’une nouvelle vie…
Et alors ?
Ayant construit son tournage sur une improvisation (aussi bien pour les comédiens que pour les techniciens), et n’utilisant pas la lumière artificielle, Roberto De Paolis signe un film qui fleure bon le
réalisme cher au cinéma italien. Car force est de constater – au risque parfois de moments plus brouillons – que Cœurs purs est un film efficace et bien rythmé qui montre bien comment la société est gangrénée par la peur de l’Autre, notamment dans ces banlieues complètement déshumanisées et qui se ressemblent toutes, partageant la même misère. Commentaires du cinéaste : « La structure sociale de ces banlieues, un environnement habité dans le film par les peurs et les sentiments des deux protagonistes, a éclairé nos réflexions sur les limites de notre condition humaine, et nous a amenés à nous y confronter. »
Pour le construire, Roberto De Paolis a fait un long travail préalable d’enquête comme il le souligne sans ambages : « Pour écrire le film, j’ai d’abord choisi d’examiner la périphérie urbaine: les centres sociaux, les camps de Roms, mais aussi les églises dans lesquelles j’ai observé ce qu’était la réalité de la communauté Chrétienne aujourd’hui. L’écriture du scénario est rapidement devenue une expérience de vie et les rendez-vous organisés se sont transformés en séjours avec des gens qui sont, par la suite, devenus les protagonistes du film. Pour comprendre vraiment ces personnes, pour mieux écrire sur eux, j‘ai voulu me laisser contaminer, essayer de vivre leur vie, sans les juger ».
Et le résultat est là : on ne peut pas éprouver d’antipathie pour la mère d’Agnese, que l’on sent aussi névrosée que confite en dévotion, que pour les parents de Stefano, qui tapent en permanence leur fils pour survivre.
Et, au cœur du film, il y a la question de la virginité, aussi bien celle des corps que celle des espaces extérieurs. Ainsi le parking déserté que surveille Stefano est coupé du monde des roms qui en squattent un coin. A cet égard, l’amour éprouvé par les deux jeunes gens représentent un ilot d’espoir dans un monde plein de blessures. Simone Liberati souligne : « Le parking est un lieu symbolique pour Stefano, où se concentrent toutes ses peurs : en face de lui, il a ce monde des roms, le peu qu’il en connaît suffit déjà à l’effrayer, d’autant qu’il reconnaît parmi les caravanes des camps celle dans laquelle se retrouveront ensuite ses parents. il a peur de perdre son travail, ses ressources, sa maison, et de finir à la rue lui aussi, c’est une éventualité qu’il sent très proche, une réalité qu’il perçoit comme absolument dégradante, il la refuse et s’acharne contre elle. »
Pour son premier rôle au cinéma et dans une histoire originale, Selene Caramazza surprend enfin par la maturité et la justesse de son jeu. On attend de la voir rapidement dans d’autres rôles.
