LE FORÇAT DU CHARBON

MAKALA, de Emmanuel Gras – 1h36

Documentaire

Sortie : mercredi 6 décembre 2017

À mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Au Congo, un jeune villageois espère offrir un avenir meilleur à sa famille. Il a comme ressources ses bras, la brousse environnante et une volonté tenace. Parti sur des routes dangereuses et épuisantes pour vendre le fruit de son travail, il découvrira la valeur de son effort et le prix de ses rêves.

3 raisons d’y aller ?

Le portrait touchant d’un homme du makala (le charbon en swahili). Grand Prix de la semaine de la critique au dernier festival de Cannes, le documentaire d’Emmanuel Gras est un petit miracle de justesse et de finesse. En mettant ses pas dans ceux de Kabwita, il filme au plus près de la savane le quotidien de ce fabriquant de charbon. En faisant des repérages avec un journaliste congolais, Gaston Mushid, le cinéaste a été séduit par cet homme. Il raconte : « J’aimais son attitude, un peu en retrait mais pas timide, son allure, et surtout son regard, plutôt doux mais très vif. En vrai, il y a des gens pour qui on a simplement tout de suite de la sympathie, vers qui on est attiré et c’était le cas avec lui. Un an après, je suis revenu, et nous avons commencé à tourner. »

Un doc qui en dit long sans beaucoup de mots. Outre la misère d’une bonne partie de la population africaine – on le mesure en voyant comment Kabwita rêve de pouvoir acheter des plaques de tôle pour construire sa maison-  ce portrait montre aussi les ravages de la déforestation, la pollution, la prévarication de certains policiers. Comme il montre comment la misère sert de terreau à une forme d’évangélisme  aux allures de secte, notamment dans l’étonnante séquence finale. Commentaires du cinéaste : « Chez Marx, il y a toute une réflexion sur le fait que la religion est humaine. Elle m’intéresse à regarder parce que c’est une manière comme une autre qu’ont trouvée les êtres humains pour exprimer ce qu’ils ressentent vis-à-vis de leur condition. J’ai vu cela à l’œuvre et cela m’a profondément touché alors que je suis athée. »

Des images fortes. Sans faire du beau sur la misère, mais le reproche est toujours facile, Emmanuel Gras réussit à signer un documentaire d’une grande force esthétique. Que ce soit sur cette route où ce forçat du charbon pousse son vélo qui ressemble, tant il est chargé, à un monstre antique dans la mondialisation célébrée, ou lorsque la caméra s’attarde sur l’immensité de la savane. Et, l’auteur sait capter le moindre détail qui « raconte » beaucoup de choses sur la vie quotidienne de cette famille, ainsi quand il saisit l’épouse de Kabwita en train de cuisiner un rat, un met habituel dans une région où la plupart des animaux ont disparu.

Soutenu par une musique subtile et jamais envahissante de Gaspar Claus, ce documentaire est très émouvant et d’une grande force.

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