ALAIN JESSUA, MORT D’UN INCLASSABLE

Il avait dirigé Delon à cinq reprises, Girardot, Serrault, Dewaere… Alain Jessua vient de disparaître à 85 ans. Un cinéaste inclassable et qui s’est gardé de bien des chapelles.

En dix films, Alain Jessua avait joué sur tous les tableaux : des productions industrielles aux films plus expérimentaux. Quoi de commun en effet entre La Tête à l’envers, son premier long métrage sorti en 1964 –  l’histoire d’un agent immobilier (Charles Denner) sombrant progressivement dans la folie, une folie possiblement vécue comme un refuge protecteur contre la société – et Les Chiens, en 1979, opus angoissant et  proche du cinéma de pure terreur, sur la pulsion sécuritaire et la violence engendrée pour elle – que le style incisif et la mise en scène coup de poing du cinéaste ? Quand il tourne Paradis pour tous, en 1982, une fable cynique sur un médecin qui a inventé un remède miracle contre la dépression, Jessua ironisait encore sur notre quête sociale du bonheur. Ce fut le dernier film de Patrick Dewaere qui signait là une prestation surprenante avec ce rôle qui résonnera d’une manière singulière à l’annonce du suicide du comédien quelques mois plus tard.

 


Alain Jessua avait une autre qualité : celle d’être un fin directeur d’acteurs. Devant sa caméra, bien des comédiens (et pas des plus faciles) avaient pointé le bout du nez, d’Alain Delon à Jean Yanne, via Annie Girardot, Michel Serrault, Nathalie Baye ou encore Jacques Dutronc.  On se souvient encore de la séquence de Traitement de choc, en 1973 – l’histoire d’un directeur d’un centre de cure où l’on aspire la force vitale de travailleurs immigrés jeunes pour venir prolonger l’existence de  vieillards friqués- où le directeur du centre, joué par Alain Delon, court nu sur la plage en compagnie d’Annie Girardot. L’image fit parler d’elle et le film fut, au demeurant, un succès public.

Sondant la société et ses blessures, aimant l’insolite et le fantastique, Alain Jessua a creusé un sillon original dans le cinéma français.

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