LA VILLA, de Robert Guédiguian- 1h47
Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Anaïs Demoustier
Sortie : mercredi 29 novembre 2017
À mon avis : 4 sur 5
Dans une calanque près de Marseille, au creux de l’hiver, Angèle, Joseph et Armand, se rassemblent autour de leur père vieillissant . C’est le moment pour eux de mesurer ce qu’ils ont conservé de l’idéal qu’il leur a transmis, du monde de fraternité qu’il avait bâti dans ce lieu magique, autour d’un restaurant ouvrier dont Armand, le fils ainé, continue de s’occuper. Lorsque de nouveaux arrivants venus de la mer vont bouleverser leurs réflexions…
Ce qui touche dans ce film ?
Il y a plusieurs théâtres, plusieurs endroits qui servent de décor, avec l’Estaque en épicentre, dans le cinéma de Robert Guédiguian. Cette fois, c’est une calanque préservée et isolée de la Côte bleue qui offre son cadre à cette histoire de famille où, une sœur, devenue comédienne célèbre, revient, après des
années d’absence dans la maison de son enfance pour retrouver ses deux frères qui s’occupent de leur père, devenu aphasique suite à un accident cérébral. Des retrouvailles qui vont agir comme un révélateur sur la petite tribu qui survit dans ce coin isolé…
Des retrouvailles qui ne peuvent que distiller une mélancolie certaine à l’heure où bien des années ont passé. Robert Guédiguian souligne : « Tous ces hommes et toutes ces femmes ont un sentiment commun. Ils sont à un moment de leur vie où ils ont une conscience aiguë du temps qui passe, du monde qui change…. Les
chemins qu’ils avaient ouverts se referment peu à peu. » Entre les vieux complices de l’univers du cinéaste, les échanges sonnent juste et Jean-Pierre Darroussin campe un savoureux personnage de quinquagénaire bougon et misanthrope qui affectionne les répliques au vitriol, quand Gérard Meylan incarne avec le charme qu’on lui connaît un homme bourru mais qui masque une profonde tendresse. Enfin, Ariane Ascaride reste fidèle à elle-même dans la peau de cette actrice qui masque bien des fêlures qui ressurgissent soudain du passé, sans qu’elle nous surprenne vraiment cette fois. Dans ce conte cruel de la vie moderne, le trio n’est pas coupé du monde et l’irruption de trois enfants rescapés d’un bateau échoué d’immigrants vient troubler le petit théâtre des histoires familiales. Alors, entre un vieil homme coupé du monde, la mort décidée de vieux voisins, la présence rafraichissante de ces trois enfants et l’armée qui traque les migrants, on assiste à un étrange ballet dans cette calanque qui vit au ralenti à l’approche des fêtes.
Symboliquement alors, ces trois enfants semblent donner des raisons de vivre et de poursuivre les rêves de fraternité d’une génération qui a disparu. Robert Guédiguian poursuit : « Avec ces trois enfants qui arrivent, peut-être la calanque va-t-elle revivre ? Angèle, Joseph et Armand vont rester là avec ces trois enfants à élever, et ils vont essayer de faire tenir le restaurant, la colline et leurs idées du monde… »
Une fois encore, contre le politiquement correct et le médiatiquement martelé par les amoureux du pensée commune, le cinéaste tourne comme s’il continuait à croire au pouvoir des films qui rêvent d’un autre monde. Et si son cinéma était un permanent éloge de l’utopie ? Par les temps qui courent, cela donne des raisons de ne pas voir l’avenir sous un horizon trop sombre.


