Les livres sur l’acteur le plus physique du cinéma français sont nombreux. Dans Définitivement Belmondo (*), Laurent Bourdon passe en revue tous les films et pièces de l’artiste. Un ouvrage solide et très bien documenté.
Il aurait été fastidieux de reprendre par le menu la vie de Jean-Paul Belmondo tant l’acteur qui fait rire et pleurer de nombreuses générations de spectateurs a un parcours connu de tous.
Après une courte entrée en matière en forme de résumé des débuts d’un jeune homme rebelle et pressé et que personne ne voyait en haut de l’affiche, Laurent Bourdon déroule dans Définitivement Belmondo les œuvres de la vie du « Magnifique », en glissant au fil des années une foule d’anecdotes, voire rectifiant certaines erreurs commises par le principal intéressé dans les livres auquel il pu prêter sa voix. Le tout étant illustré de nombreuses confidences de la – vaste – bande des copains et de textes de journalistes et autres critiques cinématographiques pas
toujours hagiographiques.
Alors bien sûr, il est question des aventures de la Nouvelle Vague et de la relation avec Jean-Luc Godard dont la voix traînante donnait à Belmondo « des fourmis dans les jambes » et dont il ne supportait pas la manière de masquer son regard derrière des lunettes aux verres teintées. Il est aussi question de la puissance de la télévision : ainsi quand Belmondo tourne le marathon des Trois mousquetaires, de Claude Barma, en 1959, outre le travail épuisant d’un tournage réalisé presque entièrement en public, il devient une figure connue du public du jour au lendemain. Une expérience gagnante à la télévision qui n’aura pas rapidementd de suite : Belmondo ne retrouvera les plateaux de télévision qu’en septembre 2001, pour une nouvelle version de L’Aîné des Ferchaux.
Dans la version originale, le film de Jean-Pierre Melville, datant de 1962, on mesure aussi comment Belmondo ne supporte pas les caprices de diva de certains réalisateurs et, par dessus-
tout, est solidaire de ses camarades de jeu. Ainsi, voyant à quel point Melville était odieux avec Vanel et se moquait de son âge, Bébel le prit par le col de sa veste lui ordonnant de s’excuser en lançant : « Sinon, on s’en va et tu finiras seul ton film de merde. » Ce qui fut dit fut fait et Melville dut terminer avec des voix off des comédiens mais sans… leur présence. A l’époque, Vanel disait de son cadet : « Belmondo ne fabrique pas, il est. »
Ensuite, il y a les pages sur une partie peut-être moins médiatique de la vie de Belmondo : celles consacrées au théâtre, sa passion de jeunesse.
Là encore, on mesure comment cet acteur physique était capable de se donner corps et âme à un rôle. Au point de craquer physiquement en novembre 1999 en jouant, en tournée, Frédérick ou le boulevard du crime. Obligé de faire une pause d’une quinzaine de jours, il déclara à Europe 1 : « J’ai été vexé d’avoir été forcé d’arrêter quand j’étais sur scène. Ça ne s’est jamais arrivé depuis quarante-cinq ans que je suis acteur. C’est ça qui m’a le plus choqué. » Mais l’homme a le souffle d’un sportif. Interrogé durant les représentations de Cyrano, où les scènes d’action étaient réglées par Claude Carliez, son régleur favori (depuis la mort de Gil Delamare auquel le livre rend hommage), il avait d’ailleurs lancé : « La fatigue ? Oui, bien sûr, mais c’est comme un match de boxe, on retrouve la forme automatiquement dès qu’on entre sur la scène. C’est un rôle qui vous transporte. »
Une autre bonne idée de cette somme « belmondienne », c’est d’avoir réservé à la fin quelques décrochages thématiques pour évoquer les surnoms de l’artiste, le cercle familial rapproché (on mesure notamment le rôle essentiel de sa mère Madeleine qui, à 85 ans lui fit répéter pendant un mois dans une maison de Marrakech, le texte de Cyrano par exemple) ou encore le Gala de l’Union des artistes, dont le président du Syndicat des acteurs français s’occupa, trois années durant, de l’organisation avec une fougue inégalée.
Dans la préface, Laurent Gerra n’a pas tort de dire que ce gros volume « va vous donner envie de replonger dans (la) vertigineuse filmographie » de Bébel…
(*) Ed. Larousse
