
CHAVELA VARGAS de Catherine Gund, Daresha Kyi- 1H30
Documentaire
Sortie : mercredi 15 novembre 2017
À mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
De Frida Kahlo à Pedro Almodovar, artiste inspirante et inspirée, ce récit composé d’images rares révèle une femme à la vie iconoclaste et d’une modernité saisissante. Figure de proue de la musique mexicaine Ranchera, Chavela Vargas restera à jamais empreinte de récits et de légendes. Avant son retour triomphant en Espagne grâce au soutien et à l’admiration de Pedro Almodovar, elle avait arrêté de chanter pendant si longtemps que les gens avaient cru qu’elle était morte. Vêtue comme un homme, fumant et buvant comme un homme, portant un pistolet, Chavela n’a cessé d’affirmer sa liberté, sa singularité, son identité et sa passion pour la musique et les textes engagés.
2 raisons d’aller voir ce doc ?
Le portrait d’une femme libre. S’il est une icône de la musique, à l’instar d’une Piaf, d’une Ella Fitzgerald, c’est bien Chavela Vargas qui, comme le montre ce beau film, a pu renaître de ses cendres à plus de 70 ans alors que la plupart des amateurs de musique la croyaient morte.
Il est vrai, cet artiste qui s’enorgueillit d’avoir bu durant sa vie 45 000 litres de tequila a connu aussi bien la gloire que l’oubli total. En 1991, Chavela a pourtant repris la route déclarant qu’elle émergeait « d’une prison d’amour et d’un délire d’alcool ». Avant d’ajouter : « Je suis sortie des enfers mais je l’ai fait en chantant ». C’est grâce à son ami Pedro Almodovar qu’elle a pu entamer une tournée mondiale qui l’a conduit à l’Olympia après qu’il a fallu que le cinéaste sollicite tout son réseau pour remplir la salle où elle allait triompher. Le cinéaste espagnol l’a fit tourner dans nombre de ses films, notamment La Fleur de mon secret. Et des airs comme La Llorona, Luz de luna ou Paloma Negra ont fait le tour du monde.
Une trésor documentaire. Grâce à de longues recherches, Catherine Gund et Daresha Kyi sont parvenus à réunir une impressionnante liste de documents et de témoins qui rendent compte de l’aura de Chavela Vargas et de son rôle incontournable dans les milieux homosexuels du Mexique. Un pays où Catherine Gund s’était installée après avoir perdu son meilleur ami du sida au début des années 90. Elle raconte : « A 71 ans, elle était assez méconnue, également queer, oubliée et dénigrée. Mes nouveaux amis savaient qu’elle avait des problèmes d’alcoolisme, qu’elle avait récemment rompu avec quelqu’un, et qu’elle vivait des moments difficiles. La communauté lesbienne de Mexico à cette époque était assez petite et trouvait que Chavela n’était pas reconnue à sa juste valeur. Il y avait là cette immense icône qui semblait être relayée au second plan et sombrait dans l’oubli. Mais néanmoins, tous savaient qu’elle n’avait pas peur et ils l’admiraient
pour cela. Elle était fidèle à elle-même et croyait en son pouvoir. C’était un miracle d’avoir eu cette interview. Elle nous a invité dans sa maison d’Ahuatepec. Elle n’avait jamais autant parlé avec des inconnus comme elle l’a fait pendant des heures avec nous. Elle a évoqué des choses personnelles, comme le fait de trouver l’amour et le perdre, de se battre pour être reconnue pour son talent, elle s’est livrée avec beaucoup d’émotion. Elle a parlé de la joie et de la souffrance d’être confrontée à des gens qui la reconnaissaient, et qui l’appelait soit « diva » soit « gouine ». «
Pour les réalisatrices, cette rencontre a permis de construire ce doc pour faire partager l’histoire incroyable de Chavela Vargas à une large audience. A l’époque, elles ne savaient pas que la carrière de la chanteuse allait connaître cette embellie jusqu’au terme de sa vie. : « Elle s’est prédite à elle-même sa propre trajectoire quand elle a commencé le film en disant : « Ne me demande pas où j’ai été. Demande- moi où je vais ». Comment aurions-nous pu savoir ?! Ces interviews sont le point d’ancrage du film Chavela. »
Au final, ce documentaire est le magnifique portrait d’une femme rebelle et marginale qui a vécu toute sa vie par amour de l’art. Une femme qui a pu dormir dans la rue comme chanter à guichet fermé au Carnagie Hall ! On reste bluffé par un tel parcours.
Retour aux sources
Pour rebondir sur la sortie du film, les éditions Milan Music publient l’album La Lhorona, célèbre disque de la dame au poncho rouge et à la voix si profonde. Il suffit de l’écouter une fois pour ressentir le frisson que cette voix rayée, marquée par la vie et les excès permet d’éprouver. Outre ce « tube » personnel, le disque comprend d’autres classiques de la musique de style ranchera, si bien servie par Chavela Vargas, tel le très beau No Volvere, ou encore Un Mundo Raro. Désormais des classiques.
