À NOUS DE JOUER !, d’Antoine Fromental à 1h31
Documentaire
Sortie : mercredi 8 novembre 2017
À mon avis : 4 sur 5
À Clichy, une banlieue de l’ouest parisien, le principal du collège Jean Macé a décidé d’encourager les méthodes alternatives pour lutter contre l’échec scolaire. Au cœur de ce projet, deux classes : la classe rugby et la classe théâtre. Cette année, le défi est double – participer aux championnats de France, pour les uns, monter sur la grande scène du théâtre de Clichy, pour les autres. Alors, ce documentaire dresse un portrait riche et complexe de la société d’aujourd’hui, tout en posant une question essentielle : comment changer l’école pour que chacun y trouve sa place ?
Et alors ?
Pour construite ce documentaire, Antoine Fromental a pris le temps de s’immerger dans la vie du collège après avoir entendu parle d’un atelier théâtral qu’un ami acteur et metteur en scène, Thomas Matalou, animait au collège Jean Macé de Clichy, un collège qui avait une image difficile. Il poursuit :
« Je décide de suivre cette classe sur quatre ans et tout va très vite : dès la rentrée en 6ème, j’arrive au collège avec un chef opérateur et un ingénieur. Nous rencontrons la prof de théâtre et nous commençons à filmer les cours. Mais rapidement, je commence à douter: alors que je voulais surtout mettre les enfants au cœur du dispositif, je me rends compte qu’on ne les voit pas assez et que nous sommes trop concentrés sur les professeurs de théâtre. Nous décidons donc à la rentrée de janvier d’assister aux autres cours de cette classe. Et là, nous découvrons soudain de multiples personnalités aux caractères bien trempés. Commence alors à se dessiner une sorte de complicité entre les élèves et nous. On sent chez eux une aisance et une vraie envie d’être des personnages, bien au-delà du seul cours de théâtre. »
Depuis L’Esquive, notamment, on avait mesuré au cinéma l’importance de cours de théâtre pour permettre à des élèves venant de quartier difficile de se réapproprier la culture. L’intérêt du documentaire d’Antoine Fromental est de montrer qu’il y a le même énergie, la même synergie de groupe, le même investissement pour des élèves en mal de repères sociaux quand on joue au rugby que lorsqu’on revisite Shakespeare et sa pièce célèbre de Roméo et Juliette.
Par le personnage du principal du collège, Christian Comès (ci-contre), investi au plus près de ces deux
expériences, on découvre aussi comment des personnalités peuvent, même si leurs propos détonnent, s’investir pour tenter de change le cours d’un certain déterminisme social. Ainsi, tel élève qui a tendance à jouer des muscles au collège va comprendre qu’il peut former les plus jeunes au rugby. Et telle
autre va se révéler sur une scène en revisitant les dialogues de la pièce de Shakespeare, certes de manière iconoclaste mais qu’elle n’aurait sans doute jamais lue autrement, imaginant même de faire du duo des héros de l’histoire originale des lesbiennes !
Ce qui touche enfin dans ce documentaire, c’est que le réalisateur a capté les conversations de ces adolescents dans leur intimité et sans jamais tomber dans le racoleur : discussions sur les mariages mixtes, sur le regard des autres, sur l’apparence, sur la performance… Parfois, on est même surpris que l’institution ait laissé passer certains dialogues bien réels. Ainsi quand l’étonnante Juliette, haute comme trois pommes, dit au directeur du collège que, comme elle participe en cours, les autres pensent qu’elle « suce le prof. » Enfin indéniablement, par son franc parler, un enthousiasme communicatif et des propos parfois politiquement incorrect, Christian Comes est l’autre personnage clé du récit.
C’est direct, tonique, positif et l’ultime séquence où les élèves s’offrent sur la scène du théâtre Rutebeuf et d’autres disputent l’ultime match de rugby donne une belle image d’adolescents qui ne se laissent pas abattre, grâce au volontarisme de certains adultes et à leur implication totale, malgré des conditions sociales difficiles. A voir !


