Directeur de la photographie, Charlie Van Damme signe avec Le cinéma est un sport de combat ! (*)un essai sur un 7ème qui n’est pas considéré que comme un « divertissement ». C’est parfois désordonné en tout cas tonique.
Il a aussi bien travaillé avec Alain Resnais, Agnès Varda, André Delvaux, François Dupeyron que le Libanais Borhan Alaouié et la Sénégalaise Khady Sylla. Charlie Van Damme est aussi homme de transmission : il a enseigné à l’École Supérieure des Arts du Spectacle de Bruxelles (INSAS) et participé en 1985 à la création de la Fondation Européenne des Métiers de l’Image et du Son (FÉMIS). C’est dire si l’homme a quelques convictions et un sens collectif de l’approche du métier.
Dans Le cinéma est un sport de combat ! – un clin d’œil direct aux travaux de Bourdieu – il en donne une preuve en réunissant une série de textes présentés comme des pamphlets pour offrir une réflexion (enrichie de textes d’autres personnalités du 7ème art dont il se sent proche) sur le travail de l’image et les structures de la production cinématographique. Un ouvrage dont il définit le but sans barguigner à une époque où le numérique a révolutionné le métier. « Il n’est ni nostalgique, ni rétrospectif, mais ancré dans le présent et tourné vers l’avenir. Une incitation à ne pas baisser les bras. »
À l’heure d’une mondialisation martelée et politisée, Charlie Van Damme pose la question de l’existence même du cinéma. Maniant avec un talent certain le goût de la formule dans des pages qui peuvent sembler parfois hâtives, voire un peu désordonnées, l’auteur pose des questions essentielles, notamment sur les conséquences de la mode du virtuel, de sa prééminence qui change la donne et la manière de concevoir le travail collectif. Ainsi écrit-il : « Je me souviendrai longtemps de ce moment : à la fin d’une prise, Daniel Auteuil se tourne vers la caméra, en attente des observations du réalisateur. En face de lui, l’équipe caméra, moi, mon chef électricien… mais pas de réalisateur. Daniel me regarde, longuement, avec un regard de chien battu. J’ai eu envie d’aller lui parler. Soudain, au loin, on entend le hurlement du réalisateur : « Coupez ! ». L’écran vidéo sur le plateau, c’est un leurre qui nous éloigne des sensations que l’on peut éprouver à côté de la caméra. »
De page en page, de pamphlet en pamphlet, on mesure à quel point l’auteur a chevillé au cœur la foi en un avenir social du cinéma qui ne serait pas réduit qu’à un pur « divertissement » pour les masses. Charlie Van Damme (ci-contre avec Alain Resnais) évoque notamment un certain tassement de l’industrie américaine devant les pays dits émergents.
Stimulant, cet essai ne tombe jamais dans le piège du discours pour initiés mais sait vulgariser une mémoire professionnelle en trouvant les formules simples (et un brin provocatrices) pour susciter la réflexion, du style : « Nous vivons la plupart du temps dans le souvenir nostalgique du septième art, mais nous produisons surtout de l’audiovisuel. ». Ou encore, ces lignes où l’auteur rebondit sur une formule de Godard. « Un travelling est une affaire de morale » disait Jean-Luc Godard. Mais un travelling n’a pas de morale en soi. La morale d’un travelling dépend exclusivement de l’utilisateur. C’était déjà le cas du temps de l’argentique, ce l’est plus que jamais avec le numérique, sachant que la nature du virtuel, c’est le leurre. »
Avec un constat lucide mais qui ne sombre pas dans le désespoir, Charlie Van Damme donne à penser qu’un autre cinéma est possible. Cela peut paraître naïf mais l’ouvrage a le mérite de se positionner intellectuellement et politiquement. Et c’est déjà fort stimulant…
(*)Éditeur : Hémisphères éditions
