TUNISIE : DES FEMMES D’HONNEUR

LA BELLE ET LA MEUTE, de Kaouther Ben Hania

avec Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli, Noomane Hamda

Sortie : mercredi 18 octobre 2017

À mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Lors d’une fête étudiante, Mariam, jeune Tunisienne, croise le regard de Youssef.
Quelques heures plus tard, Mariam erre dans la rue en état de choc.
Commence pour elle une longue nuit durant laquelle elle va devoir lutter pour le respect de ses droits et de sa dignité. Mais comment peut-on obtenir justice quand celle-ci se trouve du côté des bourreaux ?

Ce qui touche dans ce film ?

En adaptant librement Coupable d’avoir été violée (Ed. Michel Lafon), la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania (on se souvient du Challat de Tunis) signe un film fort et sans fard sur la réalité quotidienne dans son pays natal. À travers cette nuit de Mariam – comme dans le théâtre classique, il y a une unité de temps, de lieu – elle fait le portrait sans concession d’une société patriarcale où les flics sont, en majorité, corrompus.

L’utilisation du plan-séquence donne encore plus de force à son récit en laissant peu de répit au spectateur qui partage ainsi au plus près les émotions qui jaillissent du récit. « L’usage du plan-séquence permettait de générer une tension et de plonger le spectateur dans la sensation du temps réel, même si le film est composé de neuf fragments. Le défi était de mettre en cohérence le jeu d’acteur avec cette idée de fragment du réel. Tout s’est préparé en amont dans une configuration proche du théâtre. De nombreuses répétitions furent nécessaires pour coordonner le jeu des acteurs et les mouvements de caméra. »

Mais le résultat est là et Kaouther Ben Hania parvient à nous faire partager la violence subi par Mariam et Youssef qui font preuve d’un grand courage pour faire éclater la vérité.

Mariam Al Ferjani campe avec une justesse incroyable cette jeune femme, au visage qui passe d’une moue juvénile à une gravité complète, qui croit fermement à la création d’un État de droit alors même qu’une partie de l’administration corrompue de l’époque du régime de Ben Ali est toujours en place. Commentaires de la réalisatrice : « Je pense qu’il faut être suffisamment solide de l’intérieur et se construire peu à peu pour s’affirmer et trouver sa place dans la société. Or, dans mon film, cette prise de conscience citoyenne (la revendication des droits) passe par un évènement fortement traumatique. Cela dit, dans le véritable fait divers, la prise en charge sociale est venue de la part de la société civile toujours vivante et active en Tunisie. »

Dans ce puzzle extrêmement bien conçu, où la réalisatrice joue aussi avec les codes du film d’horreur et le thriller, on ne peut qu’être touché par ce récit qui montre « la banalisation du mal » avec des policiers dont certains défendent l’oubli au nom d’une société en train de se reconstruire. Là où la réalisatrice réussit à nous toucher sans tomber dans les pièges du voyeurisme, c’est dans la reconstitution du viol qui repose sur une idée très originale et qui permet de montrer sans se complaire.

Un film- cri d’alarme qui prend une résonance toute particulière dans un Maghreb en pleine reconstruction et où la démocratie tente de s’installer durablement.

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