RARA, de Pepa San Martin – 1h28
Avec Julia Lübbert, Mariana Loyola, Coca Guazzini…
Sortie : mercredi 21 juin 2017
Je vote : 4 sur 5
Le pitch ?
Sarah et sa petite sœur sont élevées par deux femmes. Tandis qu’elle vit son premier amour avec un garçon de son âge, et que son corps se transforme, celle-ci porte un regard singulier et souvent interrogateur sur le monde des adultes, confrontée à leurs jugements. Lorsque son père tente d’en obtenir la garde, l’équilibre de sa famille hors norme semble compromis.
Pourquoi y aller ?
Pour son premier film – elle a remporté le Grand Prix du Jury International de la sélection Génération de la Berlinale – la réalisatrice chilienne Pepa San Martin s’est inspiré de l’histoire de la juge chilienne Karen Atala : en 2003, celle-ci a perdu la garde de ses filles à cause de son homosexualité. Sa bataille juridique contre son ex-mari a duré dix ans mais elle a, au final, gagné contre la plus haute instance chilienne. Commençant cette plongée dans la vie d’un couple de femmes à travers le regard de la petite Sarah (excellente Julia Lübbert), 13 ans, qui avance dans son école, Rara est une description assez fine du quotidien d’un couple de femmes à Viña del Mar, la ville balnéaire à deux heures de voiture de la Santiago. Et qui est la vitrine d’une certaine bourgeoisie du pays.
La cinéaste raconte : « Il y a quelques années, j’ai suivi cette affaire à laquelle les médias ont accordé très peu d’importance et qui me semble pourtant symptomatique de la situation chilienne actuelle. Presqu’à mon insu cette histoire me touchait profondément. Je me souviens avoir entendu un jour ma mère et mon frère commenter cette affaire, certes avec désolation, mais passer surtout rapidement à un autre sujet ! Cela m’a fait réagir. Les femmes sont jugées sans arrêt, elles doivent choisir entre la maternité et leur carrière. Personnellement, j’ai été victime de discriminations que je juge nécessaires de dénoncer : la famille que je peux fonder n’est pas égale à celle de mon frère ; je suis acceptée, tolérée, les gens m’aiment bien, mais aux yeux de beaucoup, quelque chose ne va pas chez moi. »
De scène en scène, Pepa San Martin filme la lutte au quotidien de cette mère qui doit assumer son homosexualité dans une société qui reste figée sur des stéréotypes. En montrant les réactions de cette fillette, qui subit, à l’entrée de l’adolescence, les doubles conséquences d’un divorce et de cette vie de famille différente, la réalisatrice parvient à aborder, sans enfoncer le clou, plusieurs thèmes : homosexualité, famille recomposée, sortie de l’enfance… La cinéaste ajoute : « À 12 ans, elle prend conscience que sa famille est différente des autres. Cata, sa petite sœur ne s’en rend pas tout à fait compte, elle est encore protégée par son innocence. Mais une adolescente, empreinte de questions sur sa place, son identité et sa famille, est au cœur de ces enjeux. C’est aussi l’âge où se forment les préjugés les plus forts, où le regard des autres enfants a beaucoup d’influence. Sara, à l’inverse de sa sœur cadette, a l’intuition qu’elle doit cacher la relation de sa mère, sans trop comprendre les raisons d’une telle discrétion. »
Un premier film d’une indéniable sensibilité et qui offre une approche subtile de ce thème, qui plus est dans un pays qui a vécu une longue période de dictature et de régression sociale.


