L’ODYSSÉE, de Jérôme Salle – 2h02
Avec Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou
Sortie : mercredi 12 octobre 2016
Je vote : 4 sur 5
Le pitch ?
1948. Jacques-Yves Cousteau, sa femme et ses deux fils, vivent au paradis, dans une jolie maison surplombant la mer Méditerranée. Mais Cousteau ne rêve que d’aventure. Grâce à son invention, un scaphandre autonome qui permet de respirer sous l’eau, il a découvert un nouveau monde. Désormais, ce monde, il veut l’explorer. Et pour ça, il est prêt à tout sacrifier.
Ce qui surprend dans ce film ?
Plus coutumier des films d’action que de tels biopics romancés – on se souvient notamment de Zulu – Jérôme Salle revisite la vie du commandant Cousteau à travers le prisme de sa relation compliquée avec son fils préféré, Philippe, qui s’est tué aux commandes de son
hydravion, au Portugal. « J’ai mis du temps à m’éloigner de la biographie classique quand je me suis rendu compte de l’importance de Philippe Cousteau dans la prise de conscience de son père des enjeux écologiques, dit-il.
On sent chez le cinéaste qu’entre lui et Cousteau, c’est une longue histoire qui le replonge dans sa propre enfance. Il poursuit : « J’ai été élevé dans le Sud de la France, mes parents avaient un voilier et nous naviguions dans les endroits où Cousteau a plongé en premier, entre les Embiez, Porquerolles, toutes ces îles du Var. Je garde aussi évidemment le souvenir de ses documentaires à la télé. Dès le départ, ce personnage et son oeuvre étaient liés à ma propre vie. «
A travers ce prisme, le réalisateur dresse un portrait contrasté de Jacques-Yves Cousteau qui apparaît sous un jour nettement moins resplendissant que l’image d’Epinal qui reste de lui : mari volage, JYC fut aussi un homme autoritaire, cassant, et qui a conduit sa vie avec un égoïsme certain, fasciné par les moyens de communication et utilisant tous les ressorts d’une communication qui n’était pas encore aussi importante dans la société. A la fin de ce récit, la statue du Commandant semble moins solide et ce sont les fêlures de l’homme qui finissent par le rendre presque émouvant.
Pour nourrir son scénario, Jérôme Salle a pu bénéficier de rencontres avec de nombreux membres de cette famille un peu éclatée, notamment celles avec Jan, veuve de Philippe vivant aujourd’hui aux Etats-Unis, qui est même venue sur le tournage. Pour Pierre Niney, qui incarne avec finesse ce fils prodige et parfois détesté, ce contact fut capital : « Jan a été bienveillante et m’a même autorisé la lecture d’une partie de leur courrier intime, ce qui m’a permis de mieux comprendre les relations entretenues avec son père. Et qui redonne toute sa place à un fils, un peu effacé depuis de son histoire. »
L’autre figure incontournable de ce film, à la mise en scène élégante, c’est Lambert Wilson qui signe une composition frappante du commandant. Commentaires du comédien : « Dans ce genre d’exercice, il faut comprendre assez rapidement, metteur en scène et acteurs confondus, que ce que l’on va donner au public c’est une sensation, la vibration d’un personnage, pas une imitation. A la fin de Hiver 54, je ne ressemblais toujours pas à l’Abbé Pierre mais le plus beau compliment est venu des Compagnons qui m’ont dit l’avoir ressenti à travers mon interprétation. »
La plus étonnante prestation revient sans nul doute à Audrey Tautou qui signe ici un de ses rôles les plus forts. Et fait ressentir le drame intérieur que vit Simone Cousteau, l’épouse aussi bien adulée que trompée, et qui sacrifia sa vie au grand homme. Au fil du récit, elle parvient à faire ressentir le vieillissement intérieur de cette figure de « La Calypso », sa vraie maison, son côté direct, parfois grossier, sa jalousie pour les autres femmes (elle avait ses raisons il est vrai).
Tourné aux quatre coins du monde, parfois dans des conditions difficiles sur un navire dont les machines ne fonctionnaient presque jamais et que l’équipe dut faire remorquer, et parfois avec une météo terrible – Pierre Niney parle de « séquences apocalyptiques » – cette Odyssée restitue bien le parcours sinueux du vrai Cousteau. SI la mise en scène paraît parfois un peu trop sage, et ce malgré quelques images magnifiques sur la banquise au petit matin, il y a quelques moments qui rendant hommage aux passions maritimes du créateur du Monde du silence, notamment ses plongées magiques. Et l’équipe est parvenue aux Bahamas à faire ressentir les émotions fortes d’une plongée au milieu des requins. Non sans humour, Pierre Niney souligne : « Les assurances m’ont autorisé à faire moi-même la séquence mais la dernière semaine du tournage… » Et Jérôme Salle d’ajouter : « Quand vous vous retrouvez face à un requin tigre de 4 mètres 50 de long, c’est aussi un moment fou, impressionnant, émouvant ! »
Ni plaidoyer écologique, ni biopic laudateur, ce film restitue assez justement la vraie personnalité du célèbre commandant. Et les personnages sont tous joliment incarnés.



