CÉZANNE ET MOI, de Danièle Thompson – 1h56
Avec Guillaume Canet, Guillaume Gallienne, Alice Pol, Déborah François
Sortie : mercredi 21 septembre 2016
Je vote : 3 sur 5
Le pitch ?
Ils s’aimaient comme on aime à treize ans : révoltes, curiosité, espoirs, doutes, filles, rêves de gloires, ils partageaient tout. Paul est riche. Emile est pauvre. Ils quittent Aix, « montent » à Paris, pénètrent dans l’intimité de ceux de Montmartre et des Batignolles. Tous hantent les mêmes lieux, dorment avec les mêmes femmes, crachent sur les bourgeois qui le leur rendent bien, crèvent de faim puis mangent trop, boivent de l’absinthe, dessinent le jour des modèles qu’ils caressent la nuit, font trente heures de train pour un coucher de soleil… Aujourd’hui Paul est peintre. Emile est écrivain. La gloire est passée sans regarder Paul. Emile lui a tout : la renommée, l’argent une femme parfaite que Paul a aimé avant lui. Ils se jugent, s’admirent, s’affrontent. Ils se perdent, se retrouvent, comme un couple qui n’arrive pas à cesser de s’aimer.
Ce qui touche dans le film ?
Il y a une quinzaine d’années, Danièle Thompson a découvert l’incroyable amitié qui a uni ces deux artistes flamboyants. Elle souligne : « J‘ai été épatée par ma propre ignorance sur cette relation qui fut si forte, passionnelle et a nourri une relation épistolaire longue et bien des témoignages. » Emile Zola en tira même un roman à clé, L’Œuvre, qui ne fut pas le plus connu dans son abondante production littéraire. Un ouvrage où cet ami et défenseur de Manet résume son expérience du milieu et des problèmes de la peinture sous le Second Empire et les prémices de la Troisième République. Une descente passionnante dans l’univers des artistes avec leurs passions, leurs désillusions, leurs inimitiés…
L’idée d’un film a fait son chemin et la réalisatrice a « noirci des tas de cahiers » pour nourrir son scénario. Ce qui n’était pas chose facile car, comme le note Guillaume Canet, qui campe un Zola austère et silencieux : « Il était difficile d’interpréter de tels personnages aussi forts dans l’inconscient collectif et qui font aujourd’hui partie du patrimoine. » Tout au long du film, Danièle Thompson parvient à restituer cette amitié méconnue entre l’écrivain et le peintre, dont l’un, Zola, sera finalement reconnu de son vivant quand l’autre connaîtra un parcours plus tumultueux, restera un brin aigri avant de connaître un triomphe post-mortem. Et de devenir LA référence de bien des peintes du 20ème siècle.
Il fallait deux comédiens aussi complémentaires que Guillaume Canet et Guillaume Gallienne pour camper deux personnages et dans des registres complètement différents. Face à la retenue
d’un Canet, Gallienne fait une composition sans fautes du peintre aux cheveux en bataille et à la tenue négligée. Il dit : « Ce film occupe une place importante dans ma carrière. Je sais que je peux aller vers des rôles différents, plus masculins et intérieurs, moins dans la préciosité. C’est nouveau pour moi. J’ai souvent eu une lecture très féminine de mes personnages. Là, non. J’ai joué Cézanne sans complexe. » Un pari réussi. A leurs côtés, on remarque quelques beaux
personnages secondaires : le père de Cézanne, fort bien incarné par Gérard Meylan, et surtout Alice Pol, qui joue avec beaucoup de ferveur, l’amoureuse des deux artistes. Sabine Azéma en revanche convainc moins et minaude un peu trop en interprétant la mère de Cézanne.
Là où le film déçoit un peu, c’est dans une réalisation trop classique avec l’alternance permanente de flash-back, des plans un peu longs sur l’écrivain au travail, certains choix de lumière qui ne rendent pas toujours grâce à la singulière beauté du paysage original de cette Sainte-Victoire, sans oublier le détour par les calanques entre Marseille et Cassis qui ne ressemblent pas vraiment au décor de l’Estaque. Il n’empêche, ce film est présélectionné dans la course de l’Oscar du meilleur film étranger et il faudra donc suivre sa carrière…

