MERCI PATRON !, de François Ruffin – 1h30
Documentaire
Sortie : mercredi 24 février 2016
Je vote : 4 sur 5
Quezako ?
Pour Jocelyne et Serge Klur, rien ne va plus : leur usine fabriquait des costumes Kenzo (Groupe LVMH), à Poix-du-Nord, près de Valenciennes, mais elle a été délocalisée en Pologne. Le couple est au chômage, criblé de dettes, et risque même de perdre sa maison. C’est alors que François Ruffin, fondateur du journal « Fakir », frappe à leur porte. Entouré d’un inspecteur des impôts belge, d’une bonne sœur rouge, de la déléguée CGT, et d’ex-vendeurs à la Samaritaine, il ira porter le cas Klur à l’assemblée générale de LVMH, bien décidé à toucher le coeur de son PDG, Bernard Arnault. Une odyssée qui ménage quelques surprises.
Et alors ?
Les grincheux rétorqueront – et c’est vrai – que ce doc n’est pas d’une qualité révolutionnaire et sent la construction bricolée. Là n’est point son intérêt. Remarqué dans le Landerneau médiatique par Les Petits Soldats du journalisme, et rédacteur en chef du journal Fakir dans sa Picardie natale – Philippe Ruffin part, caméra au poing, jouer les Michael Moore à la française. Mais en ayant moins la grosse tête et, parfois, une agressivité un brin gratuite chez l’Américain.
Pour Philippe Ruffin, l’idée d’un tel documentaire est né après couvert pendant longtemps les fermetures d’usine dans sa région. Il souligne : « En abordant régulièrement ce sujet, j’ai été amené à croiser la route de Bernard Arnault et à dénoncer ses agissements. Il me restait encore pas mal de choses à dire mais j’avais envie de changer de support et de registre. J’avais déjà abordé le cinéma, réalisé deux trois choses pour le net et donc l’idée de faire un film s’est concrétisée. »
En jouant aussi bien la provocation et en se faisant passer pour un avocat de Bernard Arnault auprès de délégués syndicaux, qu’en montant un piège au représentant du PDG, avec caméra cachée, pour permettre au Klur de trouver un job et de rembourser leurs dettes, le cinéaste signe un doc tonique en diable et qui ne tombe jamais dans la compassion facile. C’est aussi une belle façon de porter un regard critique sur la manière dont la majorité des médias couvre la crise sociale, en risquant rarement d’affronter une entreprise qui fait les beaux jours de la publicité en France. Au demeurant, les médias sont très discrets sur la sortie d’un tel doc dérangeant, ce qui n’est peut-être pas un hasard…
In fine, Merci patron ! apporte la preuve que le débat politique n’est pas mort, pour peu qu’on s’en donc la peine. A une époque atone idéologiquement, cela fait du bien.


