CEUX DE « CHARLIE »…LE FILM ET LE LIVRE

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439805Avec son fils Emmanuel, Daniel Leconte signe un documentaire hommage à ceux qui ont fait « Charlie Hebdo » avec L’Humour à mort, sur les écrans le 16 décembre. Et un livre De Charlie Hebdo à #Charlie (*) revient aussi sur les évènements en les mettant en perspective.

Il est vrai, l’actualité récente et les massacres au Bataclan ont presque rangé au rayon des tristes souvenirs l’attentat de janvier dernier contre « Charlie Hebdo » et l’assassinat de bien des figures du journal satirique. Après avoir signé le très réussi, C’est dur d’être aimé par des cons, qui racontait le procès fait à « Charlie » pour avoir publié les caricatures de Mahomet, Daniel Leconte a ressenti l’urgence de faire parler une dernière fois ses amis dessinateurs tombés sous les balles des fous en utilisant notamment les « des rushes inédits de 2008. » Daniel Leconte ajoute : « On a compris que c’était une manière de redonner vie à nos amis assassinés, de leur redonner la parole. Un peu comme si les victimes répondaient elles-mêmes aux tueurs en leur disant : « Vous avez hurlé que vous aviez tué Charlie, la preuve que non. On est toujours vivants ».

Cette proximité avec l’équipe du journal a permis au duo de réalisateurs de recueillir aussi bien des témoignages des survivants, notamment quand Coco, une dessinatrice, raconte comment elle a dû, sous la menace d’une arme, ouvrir la porte aux tueurs. Un film nécessaire, surtout dans cette fin d’année tragique et pour ne pas céder à une émotion facile et vite oubliée.C’est à deux chercheurs , Jane Weston Vauclair et à David Vauclair , que l’ont doit De Charlie Hebdo à #Charlie (*), un ouvrage qui prend de la distance avec les évènements pour montrer les transformations sociales profondes et ouvrir des pistes d’interrogation pour le futur. Ils retracent notamment l’histoire tourmentée du journal et de ses membres citant cette phrase de Tignous qui définit bien une certaine philosophie de dire : « La caricature est un témoin de la démocratie. Et pour énerver les cons, on est manifestement utiles. »

charlie-hebdo-charlie-editions-eyrollesNourri de très nombreux encadrés qui donnent de riches entrées de lecture, le livre évoque aussi la crise d’une presse, accompagnée d’un lamento général et une forme de climat de compassion, en rappelant aussi les mots de Cavanna en novembre 1970 qui lançait évoquant une campagne de soutien nécessaire la survie du titre : « Voilà ce qu’il faut faire : n’envoyez pas d’argent, mais achetez chaque semaine « Charlie Hebdo ». Achetez chacun le vôtre ! Ne vous mettez plus à deux ou à trois, à dix sur le même exemplaire. 100 000 lecteurs fidèles valent mieux que 100 000 chèques ! »

Il y a aussi des passages très enrichissants, surtout dans le contexte récent, sur la notion de blasphème. A l’origine, ce terme, venant de la Grèce antique, signifiait « parler en mal d’une réalité. » Et le mot latin de « blasphemia » veut dire « faire injure à la réputation ». Et comme le note les auteurs, on trouve sur des vases trace de caricatures où les dieux sont présentés comme « fripons, menteurs, vulgaires ou assassins. »  Ce qui permet aux auteurs de s’interroger sur la notion subtile entre critiquer la religion ou critiquer les religieux ?

Au fil des pages, ce livre très documenté permet de remettre l’hebdomadaire satirique au cœur du débat profond qui fracture la société française actuelle.

(*) Ed Eyrolles

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