Gérard Depardieu avait poussé le chansonnette dans son Quand j’étais chanteur. Catherine Frot fait la surprenante composition d’une chanteuse d’opéra qui chante comme une casserole dans Marguerite, le nouveau film de Xavier Giannoli, sur les écrans le 16. Confidences du cinéaste.
Débarquant des Etats-Unis où il est allé présenté son nouveau film, Xavier Giannoli, 43 ans, ne prend pas le temps de souffler. On sent que l’aventure de Marguerite lui tient à cœur. Il est vrai, l’histoire de cette cantatrice d’un jour, librement inspiré de la vie d’une Américaine, Florence Foster Jenkins, et transposé dans les années 20, touche un registre particulier.
Comment avez-vous envie de confier ce rôle à Catherine Frot ?
Xavier Giannoli : Un jour, quelqu’un m’a dit que Catherine Frot avait apprécié « Quand j’étais chanteur ». En revenant à ce scénario que j’avais déjà écrit il y a une dizaine d’années et dont le montage financier a pris quelque temps, j’ai pensé à elle car Catherine porte en elle une vraie force et une grande émotion. Elle a une honnêteté et un scintillement qui n’appartient qu’à elle ! Lui confier le personnage de Marguerite m’a paru évident. Dès que nous avons tourné les séquences où Marguerite se déguise en différents tableaux d’opéra, c’est devenu encore plus évident.
Pourquoi êtes-vous fasciné par Florence Foster Jenkins ?
J’avais entendu cette chanteuse américaine des années 40, massacrer le fameux air de « la Reine de la nuit », de Mozart . L’enregistrement était grésillant, ancien et mystérieux, comme
« venu d’ailleurs ». De prime, cette femme richement mariée avait donné un concert impossible (le 25 octobre 1944 : NDR) au Carnegie Hall . Et j’avais beaucoup enquêté sur elle pour écrire ce scénario, librement inspiré par sa vie et transposé dans les années 20 en me demandant comment une telle femme pouvait faire salle comble, en chantant aussi mal, dans un tel temple de la musique. Je n’ai pas voulu faire l’histoire d’une chanteuse mais l’histoire d’une femme qui chante. La vraie Jenkins chantait devant un cercle d’habitués, mais jamais personne ne lui avait dit qu’elle chantait complètement faux. Que ce soit par hypocrisie sociale, par pur intérêt financier ou par lâcheté… Il y avait dans cette situation amusante, quelque chose de cruel à explorer.
Depuis longtemps – que ce soit « Quand j’étais chanteur », « A l’origine » – vous semblez fasciné par les personnages qui échouent. Pourquoi ?
Mais je trouve que Marguerite n’échoue pas, elle réussit. Elle affronte la vérité, découvre que son mari la trompe, même si cela lui fait peur. Marguerite est une femme hypersensible et fragile. Son histoire est celle d’une victoire mais avec d’autres critères que la simple réussite médiatique. Si on se moque d’elle au début, finisse par la respecter car elle réussit malgré tout à se dépasser et cherche à retrouver le regard de son mari. Elle va finir dans les bras de l’homme qu’elle aime et qui l’aura aimée trop tard.
Avec le temps, on mesure combien la musique est importante dans votre inspiration ?
Dans la cuisine de la maison familiale en Corse, mon père, journaliste de métier, nous chantait des airs d’opéra. Le rôle central de la musique dans ces films est sans doute une manière d’évoquer cette filiation et un père qui m’a toujours encouragé dans mes choix.
LA CRITIQUE –
Je vote : 4 sur 5
Un tel scénario présentait un risque : tomber dans le mélodrame ou la comédie grossière. Xavier Giannoli parvient à un équilibre miraculeux pour signer le portrait d’une artiste manquée dont
l’aveuglement devient touchant. Porté par une mise en scène nerveuse, une photographie très belle où la noirceur des décors servent d’écrin aux tenues chamarrées de Marguerite, son film bénéficie d’un montage rythmé en diable. Et puis Catherine Frot fait une prestation splendide d’une femme qui veut gagner sa liberté et est touchante de bout en bout. Enfin, le cinéaste a su tirer le meilleur d’une galerie de personnages plus savoureux les uns que les autres : de Denis Mpunga, le majordome qui flatte les délires de sa patronne, à Michel Fau, absolument extraordinaire en maître de chant d’une reine dissonante, sans oublier André Marcon, en bourgeois à la Zola.
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