MUCH LOVED, de Nabil Ayouch, 1H44
avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane
Sortie : mercredi 16 septembre 2015
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Quezako ?
Noha, Randa, Soukaina et Hlima vivent d’amours tarifées à Marrakech. Leur job ? Ces prostituées sont des objets de désir. Vivantes et complices, dignes et émancipées, elles surmontent au quotidien la violence d’une société qui les utilise même si elle les condamne.
Et alors ?
Le film a suscité une controverse violente au Maroc qui l’a blacklisté après sa projection au Festival de Cannes. Nabil Ayouch réagit : « Ces réactions m’ont profondément choqué et ouvert les yeux sur une violence latente, qui était là, enfouie, et qui avait juste besoin d’un révélateur pour exploser. Qu’un film arrive avec des propositions cinématographiques, ouvrant le débat sur un enjeu sociétal de taille et qu’on refuse ce débat… C’est ça qui est choquant. Ainsi qu’une incapacité à se regarder dans le miroir et préférer aller vers la haine, l’anathème, le racisme, la violence verbale, les menaces de mort… Hystérique et incompréhensible, de même que cette censure par anticipation alors qu’ils n’ont même pas vu mon film, juste quelques extraits sortis de leur contexte… »
Ces réactions sont d’autant plus étonnantes que ce film est d’abord le portrait de femmes libres et qu’il évite bien tout côté racoleur et le piège du glauque pour le glauque. Sans masquer la réalité de la vie quotidienne de ces femmes, en nourrissant son scénario des témoignages de vraies prostituées rencontrées à Marrakech, Nabil Ayouch signe une histoire où la violence le dispute à la drôlerie, l’émotion. C’est notamment palpable dans l’histoire d’amour sincère que Noha vit avec son « client » français qui est sincèrement amoureux d’elle ou dans les séquences où s’exprime la solidarité entre ces femmes. « Elles ont du courage, la rage au cœur des combattantes. L’idée n’était pas de tomber dans le pathétique, le tragique ou le misérabilisme. Ces femmes ne sont ni blâmables, ni formidables, ce sont des femmes, maîtresses de leur destin et que l’on doit regarder comme telles » souligne le cinéaste.
Film sur la frustration qui cadenasse les sociétés arabes modernes, Much Loved est un récit courageux et émouvant et le beau portrait de femmes libres. « Je ne veux en aucun cas être moralisateur, condamner, exercer un jugement de valeur, qu’il soit négatif ou positif, dit le cinéaste. Je cherche simplement à dire. Et dire, c’est montrer. » Il le fait avec une grande force et quelques belles trouvailles inattendues comme la belle séquence finale au bord de la mer.

