LA « PETITE » HISTOIRE DE CEUX DE 14-18…

LA PEUR, de Damien Odoul -1h33

Avec Nino Rocher, Eliott Margueron, Théo Chazal, Patrick de Valette10112904_103254__c_JPG_Films_2015

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Sortie : mercredi 12 août 2015

Je vote : sur 5

 

L’histoire ?

Jeune conscrit ayant rejoint le front en 1914, Gabriel va vivre l’enfer des tranchées, et connaitre la peur qui ravage tous les soldats. Sorti vivant de cette terrible expérience, où il connaîtra la mort des proches, les blessures physiques , il va découvrir sa propre humanité.

Et alors  ?

Même s’il peut sembler étrange de sortir un tel film plein de bruit et de fureur au cœur de l’été, c’est un évènement, tant Damien Odoul fait une adaptation libre mais puissante de ce roman un brin oublié de Gabriel Chevallier A sa réédition en 1951, le romancier, devenu célèbre avec son Clochemerle, écrivait : « Ce livre, tourné contre la guerre et publié pour la première fois en 1930, a connu la malchance de rencontrer une seconde guerre sur son chemin. En 1939, sa vente fut librement suspendue, par accord entre l’auteur et l’éditeur. Quand la guerre est là, ce n’est plus le moment d’avertir les gens qu’il s’agit d’une sinistre aventure aux conséquences imprévisibles. Il fallait le comprendre avant et agir en conséquence » Avant d’ajouter : « On enseignait dans ma jeunesse — lorsque nous étions au front — que la guerre était moralisatrice, purificatrice et rédemptrice. On a vu quels prolongements ont eu ces turlutaines : mercantis, trafiquants, marché noir, délations, trahisons, fusillades, tortures, tuberculose, typhus, terreur, sadisme et famine. De l’héroïsme, d’accord. Mais la petite, l’exceptionnelle proportion d’héroïsme ne rachète pas l’immensité du mal. D’ailleurs peu d’êtres sont taillés pour le véritable héroïsme. Ayons la loyauté d’en convenir, nous qui sommes revenus ».

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Dans la lignée du Kubrick des Sentiers de la gloire, Damien Odoul filme la boucherie des tranchées au plus près des hommes en saisissant les petits riens du quotidien : la mixité sociale, les découvertes de patois régionaux, la présence insolite des troupes indigènes, les rites du quotidien (de la corvée des eaux à l’infâme rata…) sans oublier les blessures physiques et psychologiques qui ont marqué à vie plus d’un Poilu. Damien Odoul souligne : « Au cinéma, l’Histoire avec un « H » et la reconstitution historique ne m’intéressent pas. Je m’ennuie devant cette fausseté. Je préfère me référer à la littérature. C’est l’histoire avec un « h » qui m’intéresse. La petite histoire des vivants et des morts. Au fil du film, l’image se transforme. Sa texture monochrome, ses pauvres couleurs se délavent (à l’opposé des archives colorées de la Grande Guerre). Je parlerais plutôt de visions. C’est un monde monochrome en contraste avec 11213813_521852__c_JPG_Films_2015l’arrière, les villes enluminées, la nature et ses couleurs saisonnières. Le film est dans un « ton camouflé », sans être du noir et blanc. Au son, une symphonie de bruits et de silence, en mélange. »

Dirigeant avec finesse une brochette d’acteurs qui n’avaient pas encore tourné, y compris dans des courts-métrages, Damien Odoul plonge le spectateur au cœur de cette boucherie, montrant la guerre sans fard comme le fit Céline dans Casse-Pipe ou Léon Werth dans Clavel soldat. Un pamphlet antimilitariste émouvant, puissant et remarquablement filmé qui a reçu cette année le très mérité prix Jean Vigo .

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