SORCERER – LE CONVOI DE LA PEUR, de William Friedkin – 2h01
Avec Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal, Amidou
Sortie : mercredi 14 juillet 2015
Je vote : 4 sur 5
Quezako ?
Quatre étrangers de nationalités différentes, chacun recherché dans son pays, s’associent pour conduire un chargement de nitroglycérine à travers la jungle sud-américaine… Un voyage au cœur des ténèbres…
Faire le remake du célèbre Salaire de la peur, d’Henri-Georges Clouzot, sorti en 1955, pouvait paraître incongru. C’est pourtant le pari de William Friedkin qui donna ainsi les raisons de ses motivations à un Clouzot étonné qu’il rencontra en 1974 à Paris, lors de la sortie de L’Exorciste. Nature de l’échange : « Pourquoi voulez-vous refaire mon film ? « . Réplique de Friedkin : « Car c’est un chef d’œuvre ! »
La nouvelle sortie en version restaurée de Sorcerer, qui date de 1978, permet de mesurer comment Friedkin réussit une gageure : tout en s’inspirant du célèbre roman de Georges Arnaud très fidèlement, il parvient à en donner une version cinématographique très personnelle, et dans une atmosphère étouffante à souhait. Le climat d’humidité est palpable à chaque plan et les comédiens semblent baigner dans un bain permanent, la crasse s’incrustant sur leur visage le temps de ce voyage au bout de l’enfer. Expliquant son choix de tourner une telle histoire, le cinéaste dit : « Je voulais changer les personnages et les péripéties du chef d’œuvre de Clouzot et créer un scénario original, pas en faire un remake. Les personnages seraient toujours des hommes brisés qui ne partagent que leur volonté de survivre face aux affres du destin. Je n’en fais pas de purs méchants. Une des constantes, depuis toujours, de mon travail, est la coexistence du bien et du mal dans chacun de mes personnages. Lorsqu’on demandait à l’immense réalisateur français Jean Renoir pourquoi il n’y avait jamais de méchants dans ses films, sa réponse était : « Chacun a ses raisons. »
Tourné aux quatre coins du monde dans des décors splendides, le film ne souffre pas d’un casting cosmopolite même si Roy Scheider a débarqué au dernier moment : pressenti pour jouer son personnage, Steve McQueen a finalement abandonné après avoir posé plusieurs ultimatums comme celui de donner un rôle à sa fiancée d’alors, Ali McGraw.
Mais le tournage du film fut épique, tout comme celui du film de Clouzot, interrompu par la mort de deux soldats par noyade. Sur Sorcerer, l’équipe dut faire face à un adversaire tropical redoutable durant les scènes tournées en Amérique Centrale : la malaria. Sans parler de cas de gangrène.
On reste sous le choc de ce film d’action où les séquences les plus spectaculaires – le passage au bord du ravin, la traversée sur un pont de cordes noyé sous les eaux tropicales sans parler des moments de pure hallucination – n’excluent pas le sens du détail qui fait vrai. Ainsi quand un homme s’évanouit dans un bar au moment où un autre arrive pour arroser les clients avec un insecticide. Il y a, chez Friedkin, le sens du détail qui donne un style de documentaire à son histoire.
Rien qu’aux images, on mesure comment le tournage fut un vrai enfer. Il fut même le coup de plusieurs coups de théâtre : refus de certains autres acteurs célèbres, techniciens malades, pépins climatiques… « J’étais devenu comme Fitzcarraldo, l’homme qui avait bâti un opéra dans la jungle brésilienne. Je perdais totalement le contrôle de mon obsession, et si je n’avais pas eu tant de succès les années précédents, on m’aurait donné l’ordre d’arrêter » notait avec distance le réalisateur.
En tout cas, en retrouvant la version la plus proche de ce que souhaitait le cinéaste, on découvre un très grand film d’action. De quoi pimenter vos soirées d’été.


