LA CITÉ MUETTE – UNE MÉMOIRE OCCULTÉE, de Sabrina Van Tassel
Documentaire – 1h28
Sortie : mercredi 13 mai 2015
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Le thème ?
Derrière les murs de La Muette – cité HLM de la région parisienne – se cache l’ancien camp de Drancy où près de 80 000 juifs furent internés avant d’être envoyés pour la majorité d’entre eux vers les camps de la mort. Les habitants d’hier et d’aujourd’hui s’y croisent comme si la tragédie était attachée à son sol depuis sa création…
Pourquoi ce doc est capital ?
Ceux qui connaissent encore le camp de Drancy – surnommé « l’antichambre de la mort car sur près de 76 000 juifs déportés de France, 63 000 sont partis de ce camp – ne savent sans doute pas que cette cité fut construite dans les années 30. Ce fut un des premiers logements sociaux de la région parisienne qui resta inachevée pour cause de crise économique.
Géré par les autorités françaises d’août 1941 à juillet 1943, le camp passa ensuite sous l’autorité directe des services nazis et ce, jusqu’à sa Libération le 17 août 1944. A travers les témoignages des quelques survivants du lieu, Sabrina Van Tassel montre bien le terrible quotidien des futurs déportés, contraints à coucher, au début, sur le béton armé et à avoir des rations alimentaires de fortune. Comme le souligne Victor Perahia : « Je n’avais alors pourtant que 9 ans. C’est là que j’ai commencé à connaître des conditions de vie difficiles et notamment la faim. Bien sûr, plus tard à Bergen Belsen ou j’ai été déporté, ce fut bien pire, car là, j’ai côtoyé l’horreur, j’ai côtoyé l’enfer. Miraculeusement j’en suis revenu et la vie peu à peu a repris le rythme interrompu par l’indicible. »
Outre les documents rares d’archives et les témoignages, toujours bouleversants des survivants, ce film a un immense mérite : celui d’établir un dialogue entre le passé et le présent et de montrer aussi que l’ex-camp est devenu aujourd’hui un des ensembles aux loyers les plus bas de la région parisienne. C’est Viviane- elle a vécu du camp dans son enfance et y est installée désormais – raconte : « J’ai eu ce logement en trois semaines et comme j’étais à la rue je n’ai pas hésité j’ai dit oui. Ce sont les seuls qui m’ont répondu en trois semaines… Et quand vous êtes dans la rue vous êtes bien contente d’avoir un logement malgré ce qui s’est passé. »
Ainsi ce camp au passé terrible héberge aujourd’hui parmi les personnes les plus vulnérables de notre société ! Triste ironie d’une Histoire. Conclusion de Sabrina Van Tassel : » Mon approche a été de raconter l’histoire de ce camp de concentration comme un voyage dans le temps, entre passé et présent. En suivant les anciens internés aujourd’hui, en retournant avec eux sur les traces de leur passage, les différents visages de Drancy apparaissent au grand jour et mettent en parallèle la vie et l’histoire des habitants de la cité à l’heure actuelle. Ce lieu peut-il être maudit et n’engendrer que du malheur ou au contraire doit-il être réhabilité pour que la vie reprenne son cours ? Seul le spectateur en sera juge…»
Une chose est sûre même si l’on ne peut pas comparer les deux époques : Drancy demeure un lieu où l’on continue de mettre certaines personnes indésirables de la société.


