LE COURAGE DE JAFAR PANAHI

Le pouvoir iranien a tout fait pour « tuer » artistiquement et psychologiquement Jahar Panahi. Le cinéaste a pourtant réussi à sacrifier à sa passion du cinéma en se convertissant en chauffeur de taxi. Son Taxi Téhéran sort mercredi 15 avril. Il faut absolument soutenir cet artiste qui se bat pour la liberté d’expression.

Jahar Panahi vit libre en Iran mais dans une prison à ciel ouvert. Emprisonné trois mois en 2010, libéré sans doute par la mobilisation internationale autour de son cas, le cinéaste est frappé d’interdiction de tourner, d’écrire des scénarios ou encore de parler à la presse.  Et, sous peine de ne plus pouvoir rentrer, il a l’interdiction de quitter son pays pour vingt ans. Une volonté de briser un artiste  dans la ligne de mire du régime depuis juillet 2009 quand il avait 173383assisté à une cérémonie en souvenir d’une manifestante tuée pendant la « révolution verte ». Une condamnation qui ne l’a pas empêché de continuer à tourner avec les moyens du bord. Après Ceci n’est pas un film, en 2011 – un titre déjà en forme de rébellion – et Le Rideau fermé, en 2013, des longs métrages en forme de huit clos dans lesquels il témoignait sur sa vie d’artiste confiné dans son appartement de la Capitale, Jafar Panahi prend le risque de l’extérieur avec ce Taxi Téhéran, tourné en ville et en plein jour avec un sacré courage.

L’histoire ? Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au 384709gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion…

A l’origine du scénario, il y a eu un déclic un soir.  Rentrant en taxi, il a remarqué que les gens avaient une parole plus libre dans la véhicule, à l’abri des oreilles indsicrètes. D’où l’idée de tourner ce film dans un taxi où, comme il ne pouvait pas aménager d’éclairage, l’équipe technique a aménagé un toit ouvrant pour apporter une meilleure lumière à la scène. Et pour certaines séquences, il s’est même servi de son téléphone! Pour ne pas faire courir trop de risques à ceux qui ont participé à l’aventure, Panahi n’a pas mis de distribution au générique et multiplié les précautions de tournage et fait appel à des acteurs amateurs. Explications  : « Les acteurs sont tous des non-professionnels, des connaissances ou les connaissances de connaissances. La petite Hana, l’avocate Nasrin Sotoudeh et le vendeur de DVD Omid jouent leur propre rôle dans la vie. L’étudiant cinéphile est mon neveu. L’institutrice, la femme d’un ami. Le voleur, l’ami d’un ami. Le blessé vient lui de province« .

387053Quant au montage du film, il a fallu aussi à Jafar Panahi redoubler de précautions. « Je montais les images chaque soir à la maison. Ainsi, à la fin du tournage j’avais déjà un premier montage. Je faisais un back up à la fin de chaque jour de tournage et je le mettais en sécurité dans des endroits différents » souligne t-il. L’autre personne qui a payé de sa personne dans cette 386272aventure, c’est l’avocate Nasrin Sotoudeh, qui a été retenue trois ans dans les prisons de son pays et a survécu à trois grèves de la faim. Elle est aussi interdite d’exercer son métier. Elle explique ainsi le sourire qui apparaît à l’écran malgré une menace permanente : « Ce sourire n’est pas de circonstance. J’ai toujours eu un moral solide, y compris en prison et après ma libération. Je suis de nature optimiste. Panahi, lui, a traversé une période difficile et douloureuse après son emprisonneement. Mais il va mieux. Il a bon moral. »

A l’heure où, autour du nucléaire, les relations se normalisent entre Iran et Occident, il est capital d’aller voir ce film, tourné avec 32 000 euros seulement, et qui prouve que, derrière les discours politiques, il ne fait toujours pas bon de faire montre de liberté d’expression dans le pays des mollahs.

Laisser un commentaire