CLINT EASTWOOD À LA GÂCHETTE LOURDE

AMERICAN SNIPER

AMERICAN SNIPER, de Clint Eastwood – 2h12

Avec Bradley Cooper, Kyle Gallner, Sienna Miller, Keir O’Donnell

Sortie : mercredi 18 février 2015

Je vote : 2 sur 5

Quezako ?

Tireur d’élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak dans un seul but : protéger ses camarades. Sa précision chirurgicale sauve d’innombrables vies humaines sur le champ de bataille et, tandis que les récits de ses exploits se multiplient, il décroche le surnom de « La Légende ». Cependant, sa réputation se propage au-delà des lignes ennemies, si bien que sa tête est mise à prix et qu’il devient une cible privilégiée des insurgés. Parallèlement, il doit mener un autre combat, mais sur le plan personnel cette fois : tâcher, coûte que coûte, d’être un mari aimant et un bon père à des milliers de kilomètres de distance.

Et alors ?

Un nouveau film de Clint Eastwood, on l’attend toujours de pied ferme car le cinéaste a prouvé qu’il avait une variété d’inspiration et savait signer des réalisations solides. Cette fois, il a repris un projet à l’origine lancé par Spielberg et pour lequel Bradley Cooper était déjà prévu pour tenir le rôle de Chris Kyle dont l’autobiographie a inspiré le scénario.

Il s’agit de l’odyssée irakienne du sniper le plus « doué » de l’histoire de l’armée américaine : il a abattu AMERICAN SNIPERofficiellement 160 cibles, sans doute une centaine de plus en vérité avant de finir tué chez lui au Texas le 2 février 2003 par un vétéran, lui-aussi traumatisé par ce qu’il avait vécu et auquel il prodiguait ses conseils. Propos d’Eastwood : « J’ai réalisé des films de guerre auparavant, mais ce projet me tenait particulièrement à cœur car il se situait à mi-chemin entre les exploits de Chris au combat et les aspects personnels de sa vie, qui le rendent encore plus intéressant. Cela montre le poids de la guerre non seulement pour un individu, mais aussi pour toute sa famille. Il est bon de se rappeler ce qui est en jeu lorsque les gens sont envoyés au combat et de reconnaître les sacrifices qu’ils consentent : j’ai donc pensé qu’il était extrêmement important de raconter cette histoire« .

Le film débarque en France, auréolé d’un très grand succès public aux États-Unis. En prime, le film est nominé six fois pour la prochaine cérémonie des Oscars. Après le N07A8475.dngsplendide film, Lettres d’Iwo Jima, très grande reconstitution d’un combat dans le Pacifique, on pouvait attendaitbeaucoup de ces nouvelles variations guerrières d’un cinéaste doué pour l’action. Il faut bien le dire : la déception est à la hauteur des attentes. Et cette fois, Clint Eastwood a la gâchette lourde et filme sans recul, ni la moindre explication  géopolitique ce sniper, écartelé entre le devoir patriotique et l’envie de retrouver sa famille. Le récit est très manichéen, les Irakiens ne sont montrés que comme des êtres faibles ou des tueurs d’une cruauté insoutenable. A  la manière des légionnaires français d’un certain cinéma des années 50, les soldats américains sont dépeints comme des héros – même si, à l’occasion, le sniper doit tuer une femme et un enfant-  et sanglés dans leur tenue de camouflage impeccable quand l’ennemi, mal rasé, porte la méchanceté sur son visage. Des raisons qui ont conduit les États-Unis à intervenir avec d’autres pays de la coalition pour détruire le régime de Sadam Hussein, il n’est pas question ici. C’est le portrait d’une espèce de cow-boy qui débarque en Irak pour faire justice. Et rien n’est traité avec légèreté ou la moindre distance. Bradley Cooper a beau jouer avec beaucoup de conviction son personnage, qui vit sur un credo simple – Dieu, Patrie, Famille – l’histoire s’étire sur plus de deux heures et se conclue par des images d’archives de l’enterrement de cette Légende, histoire sans doute de faire vibrer le grand public américain. Et ça a visiblement fonctionné. Caricaturale aussi est la vision de la femme qui ne semble bonne qu’à faire des gamins et à attendre son homme au bercail. Sienna Miller n’a donc pas une partition facile à jouer et les émotions qu’elle exprime sont taillées à gros trait.

Si ce film de guerre comporte des moments forts : la scène du combat dans une tempête de sable est splendide et Tom Stern, le directeur de la photographie a fait montre d’une belle inventivité tout au long du récit, Eastwood manque son sujet. Et on ne peut au final que faire la comparaison avec Démineurs, dans lequel Kathryn Bigelow faisait un portrait remarquable d’un autre technicien de la guerre au cœur de l’Irak, tout en se jouant des nuances. Ici, on hésite entre le réalisme d’un Spielberg et la démesure d’un Sergio Leone (avec le ralenti, incongru, de la balle qui tue le sniper ennemi). Et Eastwood nous déçoit donc…

AMERICAN SNIPERPhotos : Keith Bernstein

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