LE TAILLEUR TUEUR

AMOURS CANNIBALES, de Manuel Martin Cuenca – 1h56

Avec Antonio de la Torre, Olimpia Melinte, Maria Alfonsa Rosso

Sortie : mercredi 17 décembre 2014

Je vote : 3 sur 5

Quezako ?

Prestigieux tailleur vivant à Grenade,  Carlos est un également un meurtrier à la monomanie singulière. Lorsque Nina, une jeune Roumaine à la recherche de sa sœur jumelle, apparaît dans sa vie, il tombe pour la première fois amoureux… Un sentiment qui met en péril son éprouvant secret.

14Et alors ?

Créer un scénario autour d’un tueur en série de femmes qui tombe soudain amoureux est un pari audacieux, bien relevé par le cinéaste espagnol né en Andalousie en 1964. Qui plus est, dès la première scène d’ouverture au climat nocturne et oppressant, le spectateur devient voyeur en connaissant d’emblée le visage de l’assassin.  De façon métaphorique, le film évoque la barbarie de la société actuelle en utilisant comme décor les fêtes religieuses de Grenade avec ces confréries, cette piété qui peut paraître parfois fanatique. « Faire le portrait de Carlos, c’est faire le portrait de cette part de barbarie qui sommeille en nous » souligne le réalisateur. Le tout est d’autant plus prenant que Carlos est un homme bien sous tout rapport, qui habille les plus riches bourgeois de la ville et est aussi un voisin serviable. Ses actes n’en sont alors que plus inquiétants.01Avec une grande habileté, le cinéaste ne tombe pas dans les pièges du cinéma de genre, montrant des tonnes d’hémoglobine, jouant sur une musique assourdissante pour souligner les scènes de meurtres… Là, tout est feutré, et notre homme « officie » avec un fond de musique classique. Tout est suggéré, notamment dans la terrible scène du démembrement du début, ce qui donne encore plus d’impact au récit.

Jouant aussi sur des références à la peinture espagnole, à Goya notamment, il fait avec son chef opérateur Pau Esteve Birba, un très beau travail sur l’image passant de séquences très belles dans les paysages immaculés de montagne à l’univers de clair obscur des intérieurs où, seuls, les visages surgissent dans la lumière. Confidences du cinéaste : « La lumière a permis de rendre l’histoire plus complexe. J’applique le même raisonnement pour la composition des cadres. Je les choisis avec une extrême précision. La caméra doit être au service de l’histoire et exprimer son point de vue. »

Même si la deuxième partie du film, malgré un  rebondissement a du mal à maintenir le souffle du début, son côté étouffant, ce polar a une certaine force. Elle est due aussi à la composition impeccable de Antonio de la Torre qui signe ici sa quatrième collaboration avec Manuel Martin Cuenca. Le visage impavide, économe de ses mots comme de ses gestes, il campe un tueur en série d’un sadisme calculé et dont il parvient à exprimer les pulsions les plus inavouables.

 

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