NOTRE ENFANCE À TBILISSI, de Teona et Thierry Grenade – 1h34
Avec Irakli « Basti » Ramishvili Tisca, Zuka Tsirekidze et Natasha Shengelaia
Sortie : mercredi 10 décembre 2014
Je vote : 3 sur 5
Tbilissi, Géorgie, au début des années 90. Giorgi, 17 ans, fasciné par Tony Montana et Vito Corleone, vit aux côtés de sa mère Maia et de son petit frère, Datuna, pianiste prodige.Alors que peu à peu la ville, en proie au marché noir, s’embrase, Giorgi, devenu l’un des caïds du quartier, tente d’aider Datuna à accomplir son rêve de musicien tout en essayant de le protéger.
Et alors ?
Inspiré par l’époque de l’adolescence de Teona, quand Teona Grenade était adolescente, le scénario raconte le passage de la Géorgie en république indépendante à travers le parcours de deux frères.
L’un qui est un jeune pianiste virtuose. L’autre qui a basculé vers la petite délinquance. C’est une des forces du scénario et ce qui rend le film émouvant et personnel. En particulier avec Datuna, le petit frère sur lequel la terrible réalité de la guerre civile semble ne pas avoir de prise. Teona souligne : « Parce que son unique obsession est de poursuivre l’apprentissage du piano pour devenir un grand soliste et qu’elle le protège des réalités et de la violence du monde extérieur. Mais pour combien de temps ? Sous ses yeux en effet, un nouvel ordre prend forme, instable et terrifiant. »
Astucieusement, les réalisateurs ne rendent compte de la guerre que de manière détournée, lointaine ou par le truchement de l’enterrement d’un voisin. Elle est comme une rumeur quotidienne, menaçante et il est surtout question des petits moyens avec lesquels les habitants du quartier anonyme tentent de survivre. Alors que leur mère vend des bouts de son passé au marché noir pour quelques dollars – la scène où l’acheteur débarque pour embarquer l’argenterie est d’une grande force et pourrait se passer dans bien des pays en guerre – ces jeunes tentent de survivre dans un état de guerre qui semble presque naturel.Dans ce « parcours émotionnel » des personnages, et loin de toute description politique qui aurait pu être lourde et démonstrative, le film réussit le pari difficile de montrer sans enfoncer le clou. Si la violence est bien là, palpable, elle n’envahit jamais l’écran et cela confère au récit une force encore plus grande. Il aurait été totalement réussi si la deuxième partie de l’histoire trouvait de nouvelles pistes pour rebondir à partir du moment où Giorgi est, après son agression, en convalescence. Même s’il il y a encore des moments très justes comme celui où Datuna est au chevet du voisin victime d’une attaque cardiaque et tente de le distraire. Le film tourne alors un peu en rond, malgré une réalisation inspirée et une photographie qui, graduellement, passe des teintes chaudes de l’automne à un univers glacé dans lequel les visages fatigués et affamés en disent plus qu’un long plaidoyer sur les blessures endurées par une population vivant cette guerre civile au quotidien.
Un premier long métrage qui, malgré ces réserves, mérite d’être découvert.


