UNE BALLADE DANS L’AUSTRALIE PROFONDE

WAKE IN FRIGHT, de Ted Kotcheff – 1h48

Avec Donald Pleasence, Gary Bonds, Chips Rafferty

Sortie : mercredi 3 décembre 2014

Je vote : 4 sur 5

Capture d’écran 2014-11-17 à 12.54.19Quezako ?

Le temps des vacances scolaires, John Grant, un instituteur, arrive dans la petite ville minière de Bundanyabba, au fin fond de l’Outback, dans laquelle il doit passer la nuit avant prendre l’avion pour Sidney y retrouver fiancée. Mais, de pub en pub, sa nuit va se prolonger jusqu’à l’entraîner dans un terrible voyage à travers une Australie sauvage et primitive…

2 raisons d’y aller ?

Revoir un film qui avait disparu des écrans il y a quarante ans. tiré d’un roman de Kenneth Cook publié dix ans plus tôt, et vite devenu culte,  ce film  de Ted Kotcheff, le futur réalisateur de Rambo, a été présenté à Cannes en 1971. Quelques mois plus tard, l’United Artists va exploiter le film avec de nombreuses coupes par rapport à la version australienne, notamment à cause de la nudité et de certaines répliques. Wake in Fright tiendra l’affiche durant cinq mois à Paris dans une seule salle, avant de disparaître pendant quatre décennies des écrans. Sa sortie restaurée dans sa version intégrale permet de retrouver ce film-choc qui décrit une Australie en forme de Far-West, où la violence et l’alcoolisme sont monnaie courante.

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Une mise en scène solide. « Je trépignais à l’idée de décrire une culture qui m’était inconnue – même si j’y trouvais quelques similitudes. Le Canada et l’Australie sont toutes deux des ex-colonies britanniques, toutes deux de grands pays avec de grands espaces quasi-désertiques dans lesquels la vie est rude. Zones minières, forêts et zones industrielles servent de toile de fond à des sociétés très machistes où l’on picole sec. Les femmes, lorsqu’elles sont présentes, sont totalement marginalisées par cette culture de l’alcool. Ces grands espaces ne vous rendent pas plus libres, ils vous effraient et vous font prisonniers. Sensiblement la même chose que chez moi au Canada… » a déclaré Ted Kotcheff. Dès l’ouverture et le plan séquence magnifique dans le désert australien, on sent la force d’une mise en scène et la tension qui va durer tout le reste du récit au cœur d’un décor vide mais oppressant en diable. Un peu à la manière des westerns de Sergio Leone.Pour le reste, le film illustre parfaitement la  formule contenue dans la préface du roman et qui se passait de commentaires : « Puisses-tu rêver du diable et t’éveiller dans la terreur. » Au fil du récit qui commence comme un banal voyage pour des vacances, John Grant se trouve confronté à un petit monde essentiellement masculin où l’alcool coule à flots, libérant les névroses les plus profondes de tous les protagonistes.

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Au final, l’intrigue compte peu et il s’agit surtout de dresser le portrait sans fard d’une Australie reculée où la virilité tient lieu de passeport pour être respecté. De la sueur, de la poussière et de la bière, ce film n’a pas vieilli tant Ted Kotcheff sait restituer la violence des relations et signent quelques séquences fortes, que ce soit dans le bar du coin où la bière se boit comme de la petite eau ou celle, marquante, de la classe de nuit aux kangourous. Et où Grant semble vivre un cauchemar éveillé. Avec une sexualité omniprésente que ce soit dans la promenade nocturne de Grant avec la fille de son hôte d’un jour ou dans celle du viol suggéré avec Doc.

Avec son montage nerveux et des séquences au bout de la nuit et d’une certaine folie, le film dévoile la « bête » qui sommeille dans cet univers de virilité brute. Un petit choc visuel et un message sur la société à méditer car il reste d’actualité.

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