J’ACCUSE, d’Abel Gance – 1h56
Avec Romuald Joubé, Séverin-Mars, Maryse Dauvray
Diffusion sur Arte, le mardi 11 novembre, 23h45
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La célébration du centenaire de la guerre de 14-18 se termine bientôt et Arte en profite pour diffuser un chef d’œuvre d’Abel Gance, J’accuse, son réquisitoire pour la paix, dans une version restaurée et sur une composition musicale symphonique et électronique inédite de Philippe Schoeller. Coup de projecteur.
Le samedi 8 novembre, a lieu salle Pleyel, à Paris, en avant-première mondiale : un ciné-concert. De fait, J’accuse, très grand film muet d’Abel Gance, est projeté avec une musique de Philippe Scholler interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Frank Strobel. L’occasion de redonner vie à ce chef d’œuvre d’Abel Ganc. Au lendemain de l’armistice, le grand réalisateur français sort ce réquisitoire contre la guerre, nourri de lettres de soldats et d’images documentaires. Dans ses carnets -que l’on retrouve dans Abel Gance– Un soleil dans chaque image (*) – il écrit à l’époque, évoquant les soldats en permission qu’il a fait venir directement du Front pout les besoins du tournage : « Voilà donc ces milliers d’hommes qui s’étendent sur le sol, ne sachant pas ce que j’allais
leur demander et qui se reposent quelques instants. Je mets mes appareils en batterie et dis à Cendrars (l’écrivain mutilé de 14-18 était son assistant : NDLR) : « Commande ! » « Vous êtes tous là, étendus sur le sol, morts. Eh bien, il faut vous lever sur mon ordre, revenir dans votre village, dans vos villes, dans vos campagnes, et demander des comptes à ceux qui restent… » Ils se relèvent lentement, comme une énorme armée de morts qui se réveillent. C’était tellement troublant, tellement déprimant, tellement fascinant, à l’idée que ces pauvres diables allaient retourner à la tuerie de Verdun, huit jours après que j’en ai été bouleversé. » Cela va donner une des séquences bouleversantes d’un film où Abel Gance a imaginé de nouvelles avancées techniques, imaginant une nouvelle grammaire pour la caméra et les lumières. Tournant du côté de Cagnes-sur-Mer, il a ainsi fait placer par Léonce-Henri Burel, un des preneurs de vues, un cache noir pour obturer la mer, de telle manière que le spectateur voit à l’infini un paysage et de noir derrière. Un horizon plombé qui colle à l’atmosphère lugubre du récit.
Autour de la figure du poète perdu, Jean Diaz, ce film poignant est un chant douloureux contre la guerre qui garde toute sa force aujourd’hui. Dans le texte de présentation du film, le 13 décembre 1918, on peut lire : « Il n’est pas de cauchemar dont on ne s’éveille ! Nous avons, aujourd’hui, tenté de balbutier l’affreux rêve, comme, demain, nous essaierons de chanter l’aurore du réveil et des cicatrices. Dans le nouveau royaume des images mouvantes, si « J’Accuse » demande une place de faveur que nos autres films n’ont pas réclamée, c’est que l’œuvre a emprunté sa sensibilité directe aux évènements, eux-mêmes, et lorsqu’un poilu a pleuré, accusé ou chanté dans le film, il n’a fait que continuer les pleurs, l’accusation ou le rire qu’il avait eux dans la tranchée. »
Arte a vraiment eu la main heureuse à proposer cette version restaurée d’un classique pour commémorer cette Première Guerre qui a marqué plusieurs générations et joué un rôle déterminant dans le XXème siècle.
(*) CNRS Editions/ La Cinémathèque française

