BANDE DE FILLES, de Céline Sciamma – 1h52
Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Marietou Touré
Sortie : mercredi 22 octobre 2014
Je vote : 3 sur 5
Marieme vit ses 16 ans comme une succession d’interdits avec a censure du quartier, la loi des garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre avec trois filles affranchies change tout dans sa vie. Elles dansent, elles se battent, elles parlent fort et rient de tout. Marieme devient Vic et entre dans la bande, pour vivre pleinement sa jeunesse.
Et alors ?
« Le désir premier, ce sont les personnages. Ces filles que je croisais dans le quartier des Halles, dans le métro, à la Gare du Nord. En bande, vivantes, dansantes. En allant chercher plus loin, sur leurs Skyblogs, j’ai été fascinée par leur esthétique, leurs styles, leurs poses. Au-delà de cette
énergie séduisante, il y avait avec ces personnages la présence d’enjeux forts et intimes au coeur de mon projet de cinéaste: la construction du féminin avec ses pressions et ses interdits, l’affirmation des désirs, le jeu avec les identités. À travers elles, je voulais poursuivre mon travail autour des questions de jeunesse et du récit initiatique, mais dans un précipité de contemporain, ancré dans une réalité française, politique » raconte Céline Sciamma pour évoquer le déclic à cette nouvelle aventure. Cette fois encore, elle reste fidèle à l’univers de l’adolescence : on garde en mémoire sa subtile évocation du genre dans Tomboy.
Certes le film est un peu long, parfois redondant dans les séquences de groupe, de bouffes sur le pouce, mais le talent de la réalisatrice c’est de marier une description juste, sans être misérabiliste de la vie de nanas en banlieue, avec le poids des codes masculins, de la famille… et une vraie comédie sur le girl power, plein de vie. A cet égard, un des moments central du film, c’est la séquence de karaoké où les filles dansent sur Diamonds, de Rihanna. On mesure à quel point leur solidarité n’est pas un vain mot et leur permettent de rester forte alors que l’échec scolaire est là et que leur vie familiale et sentimentale n’est pas toujours rose.
Pour réussir à décrire une telle tranche de vie, il fallait trouver les bonnes actrices. Après quatre mois de casting, Céline Sciamma a eu la main heureuse, notamment avec Karidja Touré (Vic) qui fait des débuts prometteurs devant la caméra, capable d’alterner une douceur adolescente, une timidité avec une vraie violence, notamment quand elle se bat avec une autre fille de la cité. Confidences de la réalisatrice : « Nous avons travaillé ensemble pendant une dizaine de séances avant le tournage. Il ne s’agissait pas de répétitions au sens strict, mais d’ateliers autour de l’énergie de groupe, de la convocation d’états, de la concentration. L’amitié et la confiance ont grandi entre elles et entre nous. Le premier jour de tournage, nous étions déjà un corps solidaire. Pour Karidja Touré et Assa Sylla, il y a également eu une grosse préparation physique pour les scènes de combat. »
Au final, malgré certaines ruptures de rythme, cette comédie sociale montre astucieusement une féminité en devenir et ne tombe pas dans le piège de la diabolisation de la banlieue. In fine, cela pourrait être aussi ça le message du film : un appel à la tolérance.


