UN BOULEVERSANT DRAME SANS PAROLES

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THE TRIBE, de Myroslav Slaboshpystskiy

Avec Grigory Fensenko, Yana Novikova

Sortie : mercredi 1er octobre 2014

Je vote : 4 sur 5

Quezako ?

Adolescent sourd et muet, Sergueï entre dans un internat spécialisé. Il subit le bizutage d’une bande qui organise trafics et prostitution, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’école. Il parvient à s’imposer mais tombe amoureux de la jeune Anne qui vend son corps pour survivre et surtout quitter l’Ukraine. Un amour qui le conduit dans une spirale de violence.

Et alors ?
Il faut l’avouer : deux heures d’un film sans la moindre parole et sans aucune traduction du langage des signes, avec un thème si lourd, cela peut faire peur au plus curieux des cinéphiles. Autant le dire tout de suite : le pari est amplement réussi et Myroslav Slaboshpystskiy parvient à nous faire thetribe_fightcomprendre de bout en bout ce langage des gestes et nous bouleverse par ce récit cruel, d’une rare violence dont certaines scènes – très violentes notamment au final –  sont difficilement supportables. Il décrit ainsi par le menu une société différente qui peut renvoyer à une autre réalité politique. Commentaires du cinéaste : « Les sourds n’aiment pas le reconnaître, mais il existe bien une micro-société alternative, non-officielle, qui a ses gardiens, ses tribunaux arbitraires etc… et qui peut ressembler à la Camorra napolitaine. Certains voient dans le film une métaphore du système social ukrainien : l’argent est saisi par la police, par des bandits ordinaires, sous forme des pot-de-vin, et est transféré tout en haut de la chaîne. C’est contre ça que les gens se sont révoltés cette année en Ukraine. Le film est aussi une métaphore des jeux de pouvoir de l’état ukrainien. »
 
Outre la mise en scène tout à fait étonnante de maturité pour un premier film, on ne peut qu’être bluffé par des comédiens sourds et muets et qui ne sont pas des acteurs professionnels. Myroslav Slaboshpystskiy explique comment il a réussi un casting qui sort de l’ordinaire : « Ce casting a duré environ une année. Nous avons examiné quelques 300 candidatures pour les rôles principaux. Aucun de nos acteurs n’était professionnel : un principe essentiel dans notre démarche était que nous ne cherchions pas des performers, mais des personnalités charismatiques, capables de capter l’attention. En fait, ils sont la plupart issus de familles défavorisés. Je pense qu’avec ce tournage, ils ont vécu une expérience unique. Comme ce fut mon cas d’ailleurs. »

thetribe_corridor_of_hatredUne expérience partagée par le spectateur de ce drame aux séquences parfois insoutenables. Avec des personnages forts comme celui de Sergueï, campé avec une puissance incroyable par Grigory Fesenko, issu d’un milieu très défavorisé : de scène en scène, il exprime toute la violence enfouie au plus profond de la personnalité du jeune interne. Et Yana Novikova est, elle aussi, surprenante et parvient à incarner une jeune femme qui peut, tour à tour, passer d’une grande force à une extrême vulnérabilité. Notamment dans la scène, terrible, de l’avortement dans des conditions sordides et d’un réalisme qui fait peur.
 
In fine, The Tribe apparaît comme un film vraiment très original et doté d’une réalisation solide et courageuse. Même si la chute, qui conclue le récit par un insoutenable moment de violence, ce premier long métrage de Myroslav Slaboshpystskiy porte la trace d’un metteur en scène audacieux et talentueux.

 

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