LE CHOC BINOCHE-STEWART CHEZ ASSAYAS

SILS MARIA, d’Olivier Assayas – 2h03

Avec Juliette Binoche, Kristen Stewart et Chloë Grace Moretz

Sortie : mercredi 20 août 2014

Je vote : 4 sur 5

8e768b2f2ce8c82db0a73c02d6d02ee0281085b9L’histoire  ?

À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard,  on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena… Pour l’actrice, c’est le début de journées pleines de doute.

Et alors ?

Olivier Assayas est un cinéaste qui aime changer de registre, explorer de nouveaux rivages et il le prouve une fois encore ici, deux ans après avoir tourné Après mai, et quatre la diffusion télévisée de Carlos, sur Canal + .  Cette fois, il retrouve Juliette Binoche, déjà actrice dans le film d’André Téchiné, Rendez-vous, dont Assayas avait été le co-scénariste. Mais, il n’est plus question d’une actrice débarquant à Paris au risque de se perdre dans un monde qui broie souvent ses prétendants.

Maria Enders et une star de son métier, courtisée par les médias et qui se retrouve soudain confrontée aux cruautés de la vie d’artiste qui l’oblige à tenir compte du temps qui passe. Olivier Assayas souligne : « Maria Enders est  comédienne, avec Valentine, son assistante, elles explorent les richesses, les complexités des personnages imaginés par Wilhelm Melchior, et qui vingt ans après n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Mais il ne s’agit pas tant du théâtre et de ses illusions, ni des méandres de la fiction, que de l’humain, le plus simple, le plus intime aussi. En cela que les mots, ceux des auteurs, ceux que les comédiens s’approprient, ceux que les spectateurs laissent résonner en eux, n’évoquent rien d’autre que les questions que nous nous posons tous, tous les jours, dans notre monologue intérieur. »  Par cette description très réaliste du quotidien de trois artistes -qui donne lieu à des séquences très sensibles  aussi bien de répétitions que des rapports aux médias, aux photographes- Assayas sort des sentiers battus sur la vie d’artiste en signant un beau poème d’amour cinématographique dédié aux comédiennes.

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Il le fait en pouvant s’appuyer sur un trio d’actrices qui apportent une touche vraiment personnelle à leur personnage. Face à Juliette Binoche, parfaite dans le rôle de cette actrice qui affronte le temps qui passe, le deuil, les amours perdus- Kristen Stewart prouve que la page Twilight est définitivement tournée. Avec un naturel confondant, elle joue cette assistante débrouillarde qui ne perd pas son franc parler et son esprit critique dans ce miroir aux alouettes. Et Stewart de souligner : « Ce qui me plaît dans mon travail, c’est qu’il me permet de rencontrer des gens qui révèlent des côtés de moi que je ne connaissais pas encore. Le calcul, ce n’est pas ma tasse de thé. Je ne réfléchis jamais là où un film me conduira, comment il pourrait être perçu, si c’est dangereux pour moi ou pas, comment ça peut façonner mon image dans les médias. » Enfin, il y a Chöe Grace Moretz qui campe cette jeune actrice ambitieuse, plus complexe qu’il n’y paraît et qui force les autres à dépasser leur vision caricaturale d’Hollywood. Comme elle le note : « Olivier ne l’enferme pas dans un cliché. Il montre aussi qu’elle n’a rien d’une écervelée et peut se révéler une excellente actrice. »

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Le tout est porté par une très belle mise en scène où Assayas utilise parfaitement les paysages grandioses de ce coin sauvage des Alpes en contrepoint des interrogations de cette actrice qui ne cesse de questionner le monde qui l’entoure. Il y a notamment la magnifique séquence du serpent de Maloja, surnom donné à ce nuage, né dans des conditions climatiques particulières et annonciateurs de mauvais temps, qui s’étire comme un reptile au-dessus de la vallée. Et qui tombe sur cet écrin comme un rideau de théâtre.

Réflexion sur la vie d’artistes, ses mirages mais aussi ses bonheurs profonds, mais réflexion aussi sur le sens donné à la vie, ce nouvel opus signé Assayas es tout à fait brillant et intelligent.

 

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