AUX MAINS DES HOMMES, de Katrin Gebbe – 1h50
Avec Julius Feldmeier, Sascha Alexander Gersak et Annika Kuhl
Sortie : mercredi 25 juin 2014
Je vote : 2 sur 5
Le jeune Tore est à la recherche d’une nouvelle vie au sein d’un groupe religieux, des punks chrétiens appelés les “Jesus Freaks”. Au hasard de leurs déplacements, il rencontre Benno, en l’aidant à redémarrer sa voiture d’une manière quasi miraculeuse. Il emménage alors dans son jardin, sous une tente, et devient un membre de la famille. Mais Benno n’est pas l’être bon et généreux que Tore imaginait.
Et alors ?
La foi n’en finit pas d’inspirer le cinéma en ces périodes de crise et de doutes. Pour son premier long métrage, la cinéaste allemande Katrin Gebbe -elle vit à Hambourg- a choisi de s’inspirer librement d’un fait divers comme on l’apprend au générique final. Une manière pour elle de signifier qu’elle a pris des distances avec la réalité. La dimension du drame social n’est qu’effleuré dans ce récit. Elle dit : « « Aux mains des hommes » est plus une interrogation sur le bien et le mal,
la foi et l’idéalisme. »
Dans un univers cinématographique où l’on sent l’influence d’un Ulrich Seidl dans la construction en triptyque, d’un Haneke, dans la violence des relations humaines ou encore celle d’un Pasolini -l’ange déchu Tore pourrait être un de ses personnages- Katrin Gebbe a pris le parti de s’éloigner de l’explication cartésienne pour se servir des symboles dans cette descente aux enfers du jeune homme. Elle souligne : « Pour ce film, j’ai voulu amener une forme de poésie inspirée de la symbolique de la souffrance du Christ. » En jouant aussi sur l’épilepsie dont est atteint Tore et dont on ne sait jamais quand une crise se déclenche si c’est le fait de la maladie ou l’expression d’une volonté divine. Comme dans un tableau -on sent l’influence d’un romantisme noir dans bien des plans- elle procède par petites touches pour décrire ce chemin de croix dans une famille recomposée dont le père agit comme un despote et a un comportement monstrueux avec sa belle fille (la jeune Annika Kuhl signe une composition splendide).
Dans ce crescendo dramatique, souvent oppressant, on peut s’interroger pourtant sur la représentation de la violence. Si elle se justifie dans certaines scènes -y compris dans l’insoutenable repas de poulet avarié- elle devient au fil du récit un brin complaisante, de la séquence de prostitution dans un bouge pour hommes à l’agression finale longuement montrée. C’est d’autant plus dommage que Katrin Gebbe sait exprimer une violence beaucoup plus impressionnante quand elle suggère en un éclat soudain son omniprésence.
L’aventure de cet illuminé aux allures androgynes est forte. Elle l’aurait été encore plus sans la cruauté pesante de certains instants, même si Katrin Gebbe prévient à ce sujet : « C’est peut-être dur à croire, mais la réalité était pire. » Au final, il reste un film sans compromis à la poésie d’autant plus sombre que la réalité de cette famille allemande, en villégiature dans une maison ouvrière modeste, est d’une terrible banalité. Mais la violence trop complaisamment montrée atténue la portée d’un film à l’indéniable qualité esthétique.

