AU FIL D’ARIANE, une fantaisie de Robert Guédiguian – 1h32
Avec Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin, Anaïs Demoustier, Jacques Boudet
Sortie: mercredi 18 juin 2014
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Le jour de son anniversaire, Ariane est plus seule que jamais dans son appartement cossu. Elle allume les bougies sur le gâteau mais les invités s’excusent tous… Ils ne viendront pas. Soudain, elle monte dans sa voiture et part se perdre dans la grande ville.
Et alors ?
Depuis longtemps, Robert Guédiguian manie le conte dans ses récits où le social n’est jamais bien loin, Cette fois, il annonce la couleur par cette « fantaisie » qui lorgne vers le théâtre. Un théâtre dédié à son actrice-fétiche et sa muse : Ariane Ascaride avec laquelle il a tourné seize films. Il explique ce nouvel opus par l’envie de construire » un film seulement pour le plaisir de le faire, en toute liberté comme un « impromptu » au théâtre, une petite pièce de poésie faite à toute allure, ludique et jubilatoire… D’une envie pressante de lâcher prise, tout simplement de
jouer à un jeu sans enjeu… Le scénario devait être « une machine à jouer » pour les acteurs, pour les techniciens, et bien sûr pour moi-même. «
Pour le cinéaste, c’est l’occasion de retrouver sa vieille bande de comédiens qui s’agrandit de quelques nouvelles figures au fil des ans : ainsi avec Anaïs Demoustier qui se glisse avec bonheur dans les aventures facétieuses d’Ariane où l’on retrouve toujours avec plaisir Gérard Meylan -parfait dans le rôle du patron du bar bonhomme et chaleureux; Jacques Boudet, en poète lunaire; Jean-Pierre Darroussin en chauffeur de taxi grande gueule et généreux…
C’est encore l’occasion de faire quelques clins d’œil à des auteurs qui l’ont marqué : que ce soit Pasolini, dont Jacques Boudet dit un poème sur l‘importance des rites et des mythes; Tchekhov ou encore… Jean Ferrat, chanteur de chevet du patron de restaurant. « Je rends hommage à Aragon et Jean Ferrat. « Que serais-je sans toi » est une chanson qui m’a bouleversé, très jeune, à dix ans et me bouleverse toujours… » souligne Guédiguian. Il faudrait aussi évoquer ici l’irruption d’une autre figure de la scène, Serge Valletti, qui a co-écrit le scénario avec lui et y apporte sa touche de folie, son goût du non-sens.
L’univers théâtral lui permet aussi de signer un hymne au rêve et à l’illusion des planches avec la belle scène de la fin au Frioul où une foule de pèlerins viennent découvrir l’univers d’un metteur en scène en pleine crise conjugale, sans doute le moment le plus fort de ce récit et qui oscille entre humour et mélancolie.
Cette fois, Guédiguian instille un élément étrange dans cette histoire avec l’irruption de la tortue qui parle, même si cette présence peut en dérouter plus d’un. Il explique ainsi son choix : « C’était pour ajouter un élément irréel, une anomalie nécessaire à ce que le spectateur sache assez vite qu’il était dans un univers étrange. La tortue ne parlant qu’à Ariane, on peut penser que c’est dans sa tête, que c’est sa voix à elle ou la voix de sa conscience, comme Jiminy Cricket… On peut penser ce qu’on veut, d’ailleurs : je crédite toutes les interprétations (sauf les malveillantes et les perverses…)! » Un fantastique renforcé par la présence de cet étrange marchand de souvenirs d’origine africaine qui officie devant le bar, celui qui servait de décor à un des grands films de Guédiguian, à l’univers nettement plus sombre, A la vie, à la mort.
Malgré quelques lenteurs dans le récit, un rythme qui est parfois un brin émoussé, Guédiguian signe un objet décalé, acidulé qui ne manque pas de charme même si on a connu le cinéaste avec une inspiration plus forte. Chez lui demeure cette volonté de fraternité perdue entre les humains. A défaut de subir le monde tel qu’il est, il propose de le changer par le rêve. Ce n’est déjà pas si mal, non ?


