XENIA, de Panos H. Koutras – 2h08
Avec Kostas Nikouli et Kikos Gelia
Sortie : mercredi 18 juin 2014
Je vote : 3 sur 5
A la mort de leur mère, Dany et son frère Odysseas, 16 et 18 ans, partent d’Athènes pour Thessalonique afin de retrouver leur père, un Grec qu’ils n’ont jamais connus. Albanais par leur mère, ils sont étrangers dans leur propre pays et veulent que ce père les reconnaisse pour obtenir la nationalité grecque. Dany et Ody se sont aussi promis de participer à un populaire concours de chant de la télé-réalité qui pourrait rendre leur vie meilleure. Ce voyage va renforcer leurs liens.
Ce qui touche dans ce film ?
Pour son quatrième film, Panos H. Koutras signe un road movie qui est à la fois un beau portrait de deux frères immigrés que tout oppose et qui sont en quête d’identité et la description d’un pays, la Grèce, dont la crise a réveillé de vieux démons nationalistes. Une histoire qui s’est imposée au réalisateur qui raconte : « J’ai ressenti la nécessité de parler de l’adolescence avant qu’il ne soit trop tard. Les années d’adolescence sont les plus intenses que j’ai vécues. En rébellion contre le système, j’avais pour seule trinité le sexe, la drogue et le rock’n’roll. Je me sentais différent, singulier. Mon homosexualité n’y était sans doute pas pour rien. Entre 14 et 18 ans, j’ai vécu les années les plus cruciales de ma vie.
Sans le savoir, tous mes choix et toutes mes décisions de l’époque, que ce soit sur le plan du comportement, de l’amour, des valeurs, de la politique ou des arts, ont eu des incidences, plus ou moins grandes, sur la suite de mon existence. Je trouve que la jeunesse est très belle à filmer et en même temps, je pense qu’en ce moment les jeunes sont ceux qui souffrent le plus. Ils naissent dans un monde hostile et se retrouvent perdus. » Au fil de cette longue errance, avec une séquence en forme de clin d’œil à La Nuit des chasseurs -celle de la fuite en barque- le cinéaste décrit une touchante histoire d’amour fraternelle entre ces deux adolescents qui se retrouvent et apprennent la vie ensemble.
On ne peut être que bluffé par la performance de Kostas Nikouli et Kikos Gelia qui ne sont pas des acteurs professionnels et qui ont une grande finesse de jeu. Deux comédiens dénichés après un casting de plus d’un an et que le réalisateur a longuement fait travailler comme il le raconte : « Nous avons répété avec Kostas et Nikos dans mon appartement et sur les lieux de tournage pendant sept mois, quatre fois par semaine, avant le début du tournage. »Ce road movie dans une Grèce en crise permet aussi de montrer un pays où les blessures sont béantes et où les immigrés deviennent la cible de mouvement d’extrême droite comme Aube dorée. Avec l’argument « aggravant » de l’homosexualité comme le montre la séquence de la descente nocturne d’un commando dans un quartier d’immigrés et de drague homosexuelle. Sans faire de grand discours, ni traiter d’une immigration lointaine, le cinéaste montre bien comment cette crise mondiale stigmatise ces gens venus d’ailleurs mais pas de très loin car il s’agit de l’Albanie.
Là-bas comme ailleurs, il y a enfin le miroir aux alouettes de cette télé-réalité qui fait croire à un rêve d’avenir meilleur à des centaines d’adolescents. « J’ai grandi en regardant la télé. Mon enfance a été partagée entre la télévision et la salle du cinéma. J’ai découvert beaucoup de choses à la télé, des films, mais aussi la série Star Trek qui reste une de mes grandes références, et des émissions comme « Canzonissima » où j’ai découvert Patty Pravo. La culture pop et la culture gay constituent ma culture de base. De la téléréalité à Jean Genet, mes références, mon univers, mon langage viennent de là » poursuit le réalisateur.
Là où le film touche encore, c’est qu’il est aussi une célébration de la force du rêve, symbolisé ici par le lapin -réel ou en peluche- qui devient le troisième personnage de cet odyssée et symbolise les aspirations de l’adolescence perdue. Malheureusement, la réalisation n’est pas à la hauteur de ces rêves et certaines séquences sont bien naïves.
S’il y a rêve, il a aussi de l’humour dans ce récit où une avocate se nomme Antigone ou une boîte gay est baptisée Fantastiko… comme si les vieux mythes grecs devaient composer aujourd’hui avec une société de la communication généralisée. Conclusion du cinéaste : « L’humour contient en soi la réflexion. Il permet une distance et pouvoir prendre de la distance face à un problème est un luxe inouï. Je ne pense pas que le cinéma va changer le monde. Mais je suis persuadé qu’il ouvre des perspectives qui aident à voir et à comprendre. Je m’associe entièrement à la conception aujourd’hui devenue cliché mais qui reste juste et belle, émise par André Bazin : « Le cinéma est une fenêtre ouverte sur le monde ».

