UN ANCIEN FLIC DANS LA CHINE MODERNE

BLACK COAL, de Diao Yinan – 1h46

Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei

Sortie : mercredi 11 juin 2014

Je vote : 4 sur 5

 

IMG_9646Quezako  ?

1999 en Chine. Un employé d’une mine est tué et son corps dispersé aux quatre coins de la Mandchourie. L’inspecteur Zhang  mène l’enquête mais il doit abandonner après avoir été blessé lors de l’interpellation de  suspects. Cinq ans plus tard, des nouveaux meurtres sont commis dans la région, tous deux liés à l’épouse de la première victime… Devenu agent de sécurité, Zhang  reprend  du service.

Et alors ?

Après A Touch of Sin, de Zhang-ke Jia, un polar remarqué cette année, voilà un nouveau film chinois qui nous plonge au cœur de la réalité de ce pays, loin des sites touristiques. Le cadre d’une petite ville industrielle impersonnelle et glacé offre un décor idéal pour ce polar sombre, riche en rebondissements. « Le choix d’une cité industrielle du nord de la Chine IMG_9530relève moins de la sociologie que de la nécessité d’inscrire mon histoire dans le réel, d’autant qu’il s’agit d’une intrigue policière très violente. Je ne pense pas que cela aurait fonctionné si j’avais ancré « Black Coal » dans une grande ville cosmopolite. J’ai fait le choix de l’authenticité et je ne le regrette pas !  » souligne Diao Yinan.

Cela lui permet de focaliser son récit sur des gens ordinaires – un inspecteur devenu agent de sécurité, une teinturière…- qui vivent un parcours extraordinaire dans un monde à la triste monotonie. Et de décrire une société où la violence semble ordinaire, banalisée et donne à voir un autre visage de la Chine. Il reprend : « La Chine d’aujourd’hui n’arrête pas de changer. Il s’y passe des choses incroyables. Certains crimes peuvent sembler absurde ,et pourtant ils sont le reflet de la réalité. Des faits anodins, en apparence insignifiants, peuvent avoir des conséquences énormes. »

Diao Yinan signe une mise en scène splendide notamment dans les scènes de nuit. Ainsi quand un passant au vélomoteur relève à la sortie d’un pont couvert de neige, le flic allongé et en proie à l’alcool.  Il y a particulièrement dans ce récit une utilisation idéale des décors de cette neige sale dans une banlieue industrielle. Elle permet aussi bien d’atténuer les bruits que de faire ressortir les aventures vécues par les protagonistes. Sa réalisation magnifique a valu au cinéaste un Ours d’or tout à fait justifié. Il double la mise grâce à l’Ours d’argent du Meilleur acteur, récupéré par son interprète principal. Avec une belle économie de gestes et d’expression, Liao Fan fait une composition d’une grande justesse et exprime tous les états d’âme d’un personnage dépassé par les évènements qu’il subit.

DSC_4152Des personnages qui expriment tous une humanité en détresse. Conclusion du cinéaste : « Tous mes personnages évoluent à la frontière du rêve et de la réalité. Leurs vies sont précaires, et c’est pour ça que j’ai de la sympathie pour eux. J’essaie de leurs donner les moyens de se défendre par eux-mêmes. Je les vois presque comme des alter egos, l’expression de mes aspirations. Ils sont un peu égoïstes, un peu cyniques, un peu solitaires et astucieux. Je n’ai pas la moindre idée de là où ils vont et jusqu’où ils iront. En fait, ils évoluent dans leurs propres univers. »

Un polar envoutant et une mise en scène qui force le respect. A découvrir absolument.

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