SALGADO : UN PHOTOGRAPHE FÊTÉ A CANNES

491900La Sélection Un certain regard voit passer Wim Wenders. Avec Le Sel de la terre, il célèbre un des plus grands photographes modernes, Sebastião Salgado.

Cela fait quarante ans que le photographe brésilien, Sebastião Salgado fait le tour du monde pour photographier une humanité en pleine mutation. Photographe lui-même, Wim Wenders l’a suivi pour Le Sel de la terre  sur le terrain et croise son regard avec celui du fils du photographe, Juliano qui l’a accompagné dans ses derniers périples, pour raconter le parcours d’un homme pas banal.

Né en 1944 à Aimorés, dans le Minas Gerais, Sebastião Salgado n’a pas du tout commencé par la photo mais suivi d’abord un cursus économique à l’université de Sao Paulo. En 1971, il est recruté par l’Organisation internationale du café, installée à Londres. Deux ans plus tard, c’est le changement soudain de carrière et Salgado commence à s’intéresser à la photographie et à l’apprendre sur le tas. Il va alors travailler pour les agences Sygma, Gamma et Magnum et ses images font le tour du monde. Des photos en noir et blanc, avec une saturation très légère, dans lesquelles ils saisit la vie des travailleurs et autres paysans pauvres du monde. Celles des mineurs de la mine d’or gigantesque de Serra Pelada au Brésil -Lavilliers l’a immortalisée en chanson- ont fait le tour du monde et participé à sa renomée. Dans l’introduction d’un de ses recueils les plus connus, Workers, il écrit :  « Plus que jamais, je sens que la race humaine est une. Au-delà des différences de couleur, de langue, de culture et de possibilités, les sentiments et les réactions de chacun sont identiques. Les gens fuient les guerres pour échapper à la mort ; ils émigrent pour améliorer leur sort ; ils se forgent de nouvelles existences dans des pays étrangers : ils s’adaptent aux pires situations… « 

Ayant conservé le domaine familial brésilien, Sebastião Salgado a lancé en 1998 avec sa femme Lélia, l’ Instituto Terra, une fondation privée sur cette ancienne ferme agricole de 15 000 hectares à l’est du Minas Gerais. La ferme était devenue un endroit mort, dévasté par la déforestation, raconte-t-il. Lelia m’a dit qu’on pouvait replanter la forêt. J’ai frappé partout pour avoir des aides. On a planté un million d’arbres et l’écosystème s’est reconstitué, les animaux sont revenus. »

Aujourd’hui, Salgado s’est lancé dans une nouvelle aventure photographique dont témoigne son son nouveau livre, Genesis (Ed Taschen). Pendant huit ans, il a multiplié les voyages pour retrouver des montagnes, déserts et océans, animaux et peuples qui ont jusqu’ici échappé à l’empreinte de la société moderne. « Près de 46% de la planète semblent encore comme au temps de la Genèse». Nous devons sauvegarder ce qui existe» souligne t-il. Célébrant les mystères de la nature, son univers en noir et blanc prend alors une nouvelle dimension avec certains clichés qui ressemblent à des tableaux de maîtres.

498463C’est le parcours d’un photographe humaniste qui a défini son dernier travail comme sa «lettre d’amour à la planète» et nous donne à voir aussi bien les jaguars du Brésil, le peuple Korowaï vivant à l’âge de pierre en Papouasie occidental que les glaciers de l’Alaska ou les volcans d’Afrique centrale et de la péninsule du Kamtchatka. Un dernier projet qui a suscité quelques controverses car  le photographe a été sponsorisé par le groupe privé brésilien Vale, deuxième entreprise minière du monde : elle a financé quatre des années de travail de Salgado sur les huit nécessaires à son nouveau défi. Salgado a d’ailleurs répondu aux critiques sur le financement d’un tel projet environnemental par une entreprise qui exploite les sous-sols terrestres et, au final, l’épuise. « L’industrie minière n’est pas un problème, a t-il répondu aux critiques en décembre dernier. Au Brésil, la plus grande pollution, c’est le  pétrole, et surtout l’agriculture, qui est fatale pour la forêt. Alors que la mine est localisée. » Avant d’ajouter, « sans l’industrie minière, il n’y a pas de voiture, pas de train »

Une chose demeure : malgré cette polémique,  le regard de Salgado sur les hommes et la terre reste unique et Wim Wenders a raison de consacrer un film pour mieux cerner un tel artiste.

Laisser un commentaire