HELI, d’Amat Escalante -1h45
Avec Armando Espitia, Andrea Vergara, Linda Gonzalez
Sortie : mercredi 9 avril 2014
Je vote : 4 sur 5
L’histoire ?
Au Mexique, la famille d’Estela, une jeune fille de 12 ans est prise dans un engrenage de violence lorsque celle-ci tombe amoureuse d’un jeune policier impliqué dans un détournement de drogue. Pour la famille, c’est le début d’un cauchemar
Pourquoi courir voir ce film ?
Débutant son film par un flash-back qui nous plonge d’emblée dans la violence mexicaine, avec la scène d’exécution aussi forte qu’insoutenable, Amat Escalante nous envoie un upercut avec ce récit où il décrit avec froideur la réalité de la société où une population vit un quotidien de violence, de précarité et de prévarication. L’amourette d’Estela tourne court et conduit vite sa famille dans un enfer. En privilégiant la lumière naturelle, en utilisant une focale de 50 mm, proche du regard humain, il met le spectateur au cœur de cette histoire. « Je voulais que la vision du spectateur sur les évènements soit la plus naturelle possible. La force des images devait suffire à la compréhension de l’histoire » souligne t-il. « Contrairement à « Sangre » et « Los Bastardos » qui laissaient beaucoup d’interrogations en suspens, je voulais qu’à la fin d’ »Heli » tout soit clair dans l’esprit du spectateur. J’étais donc focalisé sur la progression du récit. En cela, « M le Maudit », de Fritz Lang est une merveille, tout est dit à l’image, dans le montage… »
Le résultat à l’image est saisissant et a valu à Escalante le prix -très mérité- de la Mise en scène au dernier Festival de Cannes. Il est vrai, autant dans les scènes de violence -de l’attaque de la maison par les paramilitaires à l’insoutenable séance de torture du trafiquant de drogue- que dans celle de la vie quotidienne, avec, en toile de fond, ces paysages désertiques qui barrent l’horizon, il parvient à exprimer toute la détresse des personnages englués dans une violence de tous les jours. Le tout sans faire de grands discours ni politiques, ni moralisateurs, tant la réalité, terrible, se passe de commentaires.
Il a su aussi choisir un casting idéal pour ce récit et on ne peut qu’être surpris par la maturité de jeu de ces comédiens, trouvés après un long casting. Il raconte : « Trouver la bonne personne pour interpréter Heli a été très long et difficile. J’ai vu au moins 3 000 personnes. Je n’arrivais pas à me décider. Je n’avais pas un profil particulier en tête. Je cherchais une connexion possible avec un visage, une personnalité. Je m’étais peut-être trop investi et projeté dans ce personnage. Refuser toutes les propositions étaient une façon de me rejeter moi-même, de mettre à l’épreuve mes idées. Armando Espitia faisait tout de même partie de mes favoris. Je l’ai donc pris en me disant : « Ok, allons-y sinon je ne vais jamais tourner ce film ! » J’ai donc installé Armando dans la région du tournage pour qu’il s’imprègne du lieu. Il a vécu au sein d’une famille quelques temps. Il avait les cheveux longs, le teint pâle. Nous lui avons coupé les cheveux très court et fait prendre le soleil. C’est en opérant tous ces changements que j’ai compris que j’avais trouvé la bonne personne. Je procède souvent ainsi avec mes acteurs. Mon premier travail avec eux est de changer leur aspect. Sans ce processus de modification, je n’arrive pas à me projeter. »
Justesse de jeu, mise en scène dépouillée et splendide font du troisième long métrage de ce jeune cinéaste autodidacte une vraie réussite.



