QUAND PARIS FUT SAUVÉE DE LA DESTRUCTION

DIPLOMATIE, de Volker Schlöndorff – 1h24

Avec André Dussolier, Niels Arestrup

Sortie : mercredi 5 mars 2014

Je vote : 4 sur 5

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L’histoire ?

La nuit du 24 au 25 août 1944. Le sort de Paris est entre les mains du Général von Choltitz, gouverneur du Grand Paris, qui se prépare, sur ordre d’Hitler, à faire sauter la capitale pour casser le moral des Alliés et bloquer leur progression. Issu d’une longue lignée de militaires prussiens, le général n’a jamais eu d’hésitation quand il fallait obéir aux ordres. C’est tout cela qui préoccupe le consul suédois Nordling lorsqu’il gravit l’escalier secret qui le conduit à la suite du Général à l’hôtel Meurice. Les ponts sur la Seine et les principaux monuments de Paris  sont minés et prêts à exploser. Utilisant toutes les armes de la diplomatie, le consul va essayer de convaincre le général de ne pas exécuter l’ordre de destruction.

Et alors ?

Adaptant en sa compagnie la pièce Cyril Gely qui connut un grand succès -avec les mêmes acteurs- sur les planches, Volker Schlöndorff s’attaquait à un pari difficile : transposer au cinéma, avec une unité de temps (la nuit) et de lieu (l’Hôtel Meurisse), cette rencontre capitale.  Il y parvient remarquablement en y ajoutant quelques éléments renforçant la tension dramatique, comme cet escalier secret qui permet au diplomate d’accéder directement à la suite du général. C’est d’autant plus réussi que les choses ne sont pas passés ainsi historiquement. « J’aimais bien ce côté théâtre de boulevard, avec l’humour 32f334325557432ee02e6b15084a563ddans les dialogues aussi. Le huis-clos souligne la fiction. Nous ne faisons pas dans l’authentique.  Toutefois, et contrairement au théâtre, dans un film il faut une perspective de récit, c’est-à-dire savoir qui nous raconte cette histoire et pourquoi. Cela ne pouvait être que le Consul.  D’où l’idée de commencer par lui, traversant Paris la nuit, hanté par les images de la destruction de Varsovie et en proie à la question: comment dissuader le général de mettre en œuvre l’ordre sinistre que Hitler avait donné la veille »,  souligne le cinéaste. En focalisant sur cet affrontement psychologique à fleurets mouchetés, le duo parvient à maintenir une tension tout au long de cette longue nuit.

La force du récit tient au jeu impeccable de Niels Arestrup et André Dussolier. Malade, sanglé dans son uniforme qui le boudine, Niels Arestrup est remarquable dans la peau de ce général qui hésite jusqu’au bout, fidèle à sa conscience militaire, à transgresser les ordres. Un personnage qui est loin d’être un saint comme le raconte le comédien : « On lui doit  la destruction de Rotterdam, qui a fait de nombreux morts, ou encore la déportation de nombreux Juifs de Russie. Ce n’est pas un personnage particulièrement sympathique pour qui on peut éprouver de l’empathie. D’ailleurs, ce qui m’a le plus surpris, c’est qu’il ait été libéré par les Américains deux ans après la fin de la guerre, en 1947. Il a peut-être révélé des informations importantes aux Alliés, mais je ne crois pas que ce soit uniquement l’ordre de sauver Paris qui lui ait valu cette clémence. Il ne dira jamais rien de cette libération inattendue dans les années d’après-guerre. »

8be56d2a2ad2166ca3be54da8e4c33d6Quant à André Dussolier, il parvient d’une voix douce, sans se départir d’un sourire énigmatique, à exprimer le travail de sape du consul qui, au fil de cette longue nuit de discussion, réussit à changer le cours des choses. « Nordling, fin diplomate, utilise tous les pions dont il dispose car, en matière de diplomatie, la fin justifie toujours les moyens. Il use d’un savant mélange de vérité des arguments employés et de mensonges.  Mais  au-delà des mots, ce qui compte, c’est de savoir saisir l’instant, d’adopter la bonne attitude et de jouer sur le non dit  » souligne t-il.

Avec cette nuit capitale, avec la rumeur de la guerre qui occupe l’atmosphère, Volker Schlöndorff réussit à nous faire comprendre comment cet affrontement est la première pierre de la construction de la future Europe, qui sera formée sur la base du couple franco-allemand. A voir pour une page d’histoire de l’Histoire.


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