GOLTZIUS ET LA COMPAGNIE DU PELICAN, de Peter Greenaway – 1h56
Avec F. Murray Abraham, Ramsey Nasr, Kate Moran, Lisette Malidor, Pippo Delbono
Sortie : mercredi 5 février 2014
Je vote : 3 sur 5
Le Danemark au 16e siècle. Hendrik Goltzius est un célèbre peintre et graveur d’œuvres érotiques. Il aimerait ouvrir une imprimerie pour éditer des livres illustrés. Il sollicite alors le Margrave (Marquis) d’Alsace et lui promet un livre extraordinaire avec des images et des histoires de l’Ancien Testament regroupant les contes érotiques de Loth et ses filles, David et Bethsabée,
Samson et Dalila, Saint Jean-Baptiste et Salomé. Pour le séduire davantage, il lui offre alors de mettre en scène ces histoires érotiques pour sa cour.
Ce qui touche dans cette histoire ?
Ayant toujours essayé de transcrire au cinéma sa passion pour la peinture, Peter Greenaway s’est inspiré de la vie réelle de Goltzius pour imaginer -en partant du fait bien réel que l’artiste a bel et bien illustré l’Ancien Testament– cette histoire chez le Margrave. Un homme de pouvoir qui contraint l’artiste graveur à ces étranges représentations.
Après Meurtre dans un jardin anglais ou Le Cuisinier, le Voleur, sa Femme et son Amant, il nous plonge au cœur de la vie d’une Cour avec tous ses excès mais aussi tous ses raffinements quand le pire des moments est prétexte à des variations baroques pour orchestre de chambre. « Dans mes films, la musique est toujours répétitive, comme mes scénarios. Il est toujours question de la récurrence des faits, des humeurs ou des sentiments », dit le réalisateur.
Mêlant peinture, sexe et religion, le cinéaste joue une partition qui peut en dérouter plus d’un en illustrant six récits bibliques par des séquences où la sexualité est omniprésente et les plaisirs de la chair récurrents. « La Bible regorge de scènes érotiques : ces pauvres juifs qui ne savent que faire
de leur sexe avec un dieu incroyablement jaloux qui refuse d’accepter quoique que ce soit en dehors de la loi et des canons du judaïsme. Tout le monde alors essaye de faire semblant ; tout est devenu une question d’hypocrisie et de double jeu, d’excuses et de pardons. Tout me passionne dans la Bible. J’ai choisi six histoires. La première est celle d’Adam et Eve qui apprennent à faire l’amour regardés, encouragés et guidés par Satan. C’est le premier coït de l’humanité. La deuxième avec Loth et ses filles aborde l’inceste ; la troisième l’adultère avec David et Bethsabée ; la quatrième la pédophilie avec la femme de Potiphar ; la cinquième la prostitution avec Samson et Dalila et la sixième, issue du Nouveau Testament, la nécrophilie avec Salomé » souligne Peter Greenaway.Dans des séquences cathartiques, il dresse un portrait saisissant d’une société et du pouvoir avec, en toile de fond, les ravages du fanatisme. Le tout avec un sens consommé de la provocation qui peut en irriter plus d’un mais est redoutablement efficace. « C’est une obligation pour un réalisateur, un artiste ou un curateur, il faut être provocateur. »
Là où le film fonctionne très bien, c’est dans la façon de filmer comme on fait une peinture avec un sens consommé du cadre, des perspectives et des couleurs. Bourré de références à des grandes œuvres de la peinture flamande notamment, Greenaway signe une étonnante symphonie visuelle qui parvient à accrocher l’attention même si l’on se sent un peu distant de cette lecture biblique et de cet érotisme mystique.

