LE MONDE FOU DE RIAD SATTOUF

JACKY AU ROYAUME DES FILLES, de Riad Sattouf -1h30

Avec Vincent Lacoste, Anémone, Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon, Michel Hazanavicius

Sortie : mercredi 29 janvier 2014-01-02

Je vote : 3 sur 5

 _DSC5811KB_Charlotte-regarde-le-laissonQuezako ?

En république démocratique et populaire de Bubunne, les femmes ont le pouvoir et les hommes portent le voile et s’occupent de leur foyer. Jacky, un garçon de vingt ans, a le même fantasme inaccessible que tous les célibataires de son pays : épouser la Colonelle, fille de la dictatrice. Mais quand la Générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky : maltraité par sa belle-famille, il voit son rêve lui échapper…

3 raisons d’aller voir cette comédie ?

Découvrir une fable politique. En revisitant le conte de Cendrillon, Riad Sattouf (révélé par Les Beaux Gosses) dresse un portrait ironique du pouvoir et de la société dominante. Inverser les rôles entre hommes et femmes lui fournit l’occasion en or de montrer du doigt toutes les absurdités de notre société. Là où le cinéaste image9.05dégaine le plus son ironie c’est en montrant les hommes enveloppés dans des voiles qui masquent la plus grande partie de leurs formes. Et on peut imaginer que ce choix suscitera certaines réactions.

Pour autant, le cinéaste défend ses choix créatifs :  « L’Islam et le monde musulman font partie de ma vie et par là même, de mon imaginaire : j’ai grandi dans un village paysan sunnite, en Syrie dans les années 80 où la famille de mon père vivait de la même manière qu’au XVIIe, XVIIIe, XIXe siècle, avec quelques heures d’électricité par jour en plus. J’ai abordé ce sujet dans mon livre «ma circoncision », publié en 2004. Toutes mes tantes et cousines étaient voilées ; les femmes avaient moins de droits que les hommes, qui eux décidaient de toutes choses ; et oui, la majorité d’entre ellesétaient heureuses de _DSC4824cet état de fait et le défendaient avec ardeur. Tout cela n’est pas spécifique au monde musulman ! Il correspond à une organisation sociale et juridique des rapports humains que l’on trouve partout sur terre et qui s’appelle le patriarcat : l’autorité des hommes sur les femmes. C’est le sujet de mon film »,

Apprécier cette comédie sur le pouvoir. A travers le personnage de la Dictatrice –on sent qu’Anémone s’est bien amusée en endossant la tenue militaire- Riad Sattouf se moque de la fascination pour le pouvoir, de la médiocrité des gens qui entourent le chef, comme du culte de la personnalité et du rôle des médias. Sans enfoncer le clou, il décrit assez bien la veulerie de certains personnes qui rêvent d’approcher un chef.

Retrouver une véritable bande de comédiens. Tout naturellement, Vincent Lacoste retrouve le cinéaste qui le fit, adolescent, débuter. « Je me suis vraiment attaché au personnage de Jacky : c’est encore un enfant, empreint de naïveté et convaincu que les gens ne peuvent pas le faire souffrir. C’était génial d’apprendre à incarner un mec sans aucune virilité, surtout lorsqu’on le découvre sous sa voilerie. Aucun mec n’est gâté dans le film » dit-il. Quant à Charlotte Gainsbourg, elle ose, une fois de plus le grand écart, pour mettre sa griffe dans cette comédie différente et un brin déjantée dont la chute devrait en surprendre plus d’un. Elle dit : « Le film de Riad est une prise de position risquée mais amusante. Sa critique du totalitarisme, sa manière de renverser les rapports de force expriment des convictions personnelles. Il est légitime de voir Riad s’attaquer à un tel sujet : le monde qu’il a imaginé paraît fou, délirant, mais il est surtout le reflet de son point de vue sur nos sociétés. »

_dsc1482Quand à Didier Bourdon, il s’est embarqué sans peur dans ce voyage où il joue un père capable de toutes les roueries pour faire triompher ses fils, face à son épouse dominatrice campée par Noémie Lvosky. Il dit : « J’aime les gens qui osent. Encore faut-il en avoir le talent, ce qui est le cas de Riad. Il parle de tolérance avec humour et sans agressivité. Le rire met parfois mal à l’aise, parce qu’il est vecteur de sens. J’ai revu récemment  « Le Bal des vampires», de Polanski : on retrouve chez Riad cette capacité à instiller à l’intérieur d’une même scène un humour paisible et glaçant. »

 Oser, Riad Sattouf sait le faire et le prouve dans ce deuxième film plein d’humour (noir notamment) et qui porte un regard ironique  sur nos sociétés et le pouvoir.

Laisser un commentaire