POUR TON ANNIVERSAIRE, de Denis Dercourt – 1h23
Avec Mark Waschke, Marie Baümer, Sylvester Groth et Sophie Rois
Sortie : mercredi 8 janvier 2014
Je vote : 3 sur 5
Allemagne de l’Est. Début des années 80. Le jour de ses 16 ans, Paul passe un pacte avec son ami Georg qui doit quitter la ville : il pourra sortir avec Anna, sa petite amie à la condition qu’il la lui rende à l’identique quand Georg le souhaitera… Trente ans plus tard, Paul vit avec Anna et leurs deux enfants quand Georg débarque soudain à la tête du service où travaille Paul. L’ancienne promesse doit-elle être tenue ?
Et alors ?
« Cela faisait longtemps que je voulais faire un film qui retrouverait l’atmosphère des contes allemands, ce qu’on nomme les « Märchen ». Un des œuvres qui m’a le plus influencé est Freischütz, de Weber. Il y a des références explicites à l’opéra dans Pour ton anniversaire (la scène de chasse, le personnage de Daniel entre
autres). Mais, plus généralement, je me suis attaché à reprendre des thèmes qui irriguent ces « Märchen » : la peur, la culpabilité, le destin, le diable. Ce sont des thèmes qui ont toujours travaillé la culture allemande, mais les cinéastes qui reprennent aujourd’hui ces matériaux sont rares. Pour ma part, je voulais inscrire ces thèmes dans le cadre d’un thriller, l’histoire d’un pacte et de ses conséquences. Il me semblait que ça pouvait avoir des résonances avec l’histoire de l’Allemagne des trente dernières années » raconte Denis Dercourt qui signe ici un récit où quatre personnages s’affrontent dans un étrange jeu de chat et de souris, où les mensonges sont nombreux et les apparences des plus trompeuses dans un chassé-croisé de relations troubles et pesantes.
Il parvient avec une réelle maîtrise de l’espace à transformer le moindre décor, y compris la forêt où se déroule la chasse, en un décor de théâtre où les personnage se jaugent, se reniflent, s’affrontent. Aussi dans la scène d’anniversaire que celle, plus intimiste, du concert de piano, Dercourt sait créer un climat oppressant à souhait et se joue du spectateur en permanence en multipliant les fausses pistes.
Un exercice d’équilibriste qui offre aux principaux comédiens l’occasion de montrer la palette de leur talent. Il les filme comme des chanteurs d’opéra en orchestrant leur apparition comme une montée sonore dans une partition. Il explique ainsi comment il a travaillé dans une langue qui’ n’est pas sa langue maternelle: « J’enseigne depuis tant d’années le Lied au Conservatoire de Strasbourg que je m’étais en quelque sorte préparé à ce nouveau travail. Et il faut dire aussi que je suis aidé par le fait que je n’ai pas une direction d’acteur psychologique mais presque exclusivement physique. Je suis très attaché à maîtriser les vitesses et les déplacements des comédiens mais aussi le placement de leurs voix, les finales, etc. Ce n’est donc pas une question inhérente à la langue elle-même. »
A petites touches, en se jouant du contraste entre l’Allemagne de l’Est d’hier et l’Allemagne réunifiée actuelle où le libéralisme est roi -ce n’est pas innocent que les deux amis bossent pour une banque d’affaires- Dercourt parvient à délivrer un climat qui tourne au cauchemar et tient en haleine son monde jusqu’au retournement final. A découvrir tant le cinéaste sait, de film à film, modifier son style et son inspiration.

