Avec le nouveau film de Paul Greengrass, Capitaine Phillips (sur les écrans le 20 novembre), Tom Hanks se glisse dans la peau d’un personnage ordinaire qui est confronté à une situation qui ne l’est pas vraiment. Une fois encore, le comédien joue un homme qui a bel et bien existé.
L’action originale se déroule en avril 2009 quand une demi-douzaine de pirates somaliens attaquent un cargo, « Maersk Alabama », dans le golfe d’Aden. Pour le capitaine Phillips, c’est l’occasion d’organiser la résistance en devenant un héros malgré lui. Par son attitude, le capitaine a permis de sauver la vie de son personnel. Trois des quatre pirates, âgés de 17 à 19 ans à l’époque, ont été tués lors du sauvetage et le dernier est actuellement en prison, pour une peine de plus de 33 ans.
Connu pour son passé de documentariste, Paul Greengrass a nourri ses fictions d’une mise en scène très réaliste. La preuve avec son remarquable Bloody Sunday sans oublier les deux volets de Jason Bourne. Pour évoquer cette nouvelle mise en scène, il dit : « Depuis une dizaine d’années, il y a eu d’excellents films traitant de la sécurité intérieure et du terrorisme (…) La confrontation entre Phillips, qui appartient au mouvement de l’économie globale, et les pirates qui en sont exclus, m’a semblé être un sujet nouveau et tourné vers l’avenir. La confrontation entre Phillips et Muse évoque aussi le poids de forces plus puissantes qui influent sur le cours du monde. » Pour coller à la réalité, l’équipe s’est lancé un vrai défi : tourner les trois quarts du film en mer pendant 60 jours à bord de navires similaires au « Maersk Alabama », impliqué dans le drame d’avril 2009.
Et Tom Hanks dans tout ça ? Une fois encore, le comédien méticuleux s’est attaqué à un personnage réel après Jim Lovell dans Apollo 13 ou encore Charlie Wilson dans La Guerre selon Charlie Wilson. Pour bien faire, il a donc fait un gros travail en amont du tournage et raconte : « Pour incarner Rich, je devais trouver des détails à exploiter qui ne sont pas dans le scénario et je l’ai rencontré pour en savoir le plus possible , pour être le plus proche de la réalité. » Chez lui, il y a, quand le cinéma touche à la réalité, la volonté de ne rien travestir pour être le plus proche de la vérité : « Je ne veux pas altérer les buts des personnes que j’incarne, surtout si elles sont encore en vie et que leur histoire est aussi bien documentée. Je ne veux pas inventer des choses pour créer des moments plus mélodramatiques. Je veux comprendre le fardeau que le personnage porte, tel qu’il est en réalité. »
Chez Tom Hanks, il y a un talent à la James Stewart à camper des hommes auxquels le spectateur peut s’identifier. Sans détour, il dit encore : « J’ai joué beaucoup de personnages réels et quelconques qui n »ont rien de spécial, sans doute parce que je ne le suis pas moi-même. » C’est la la touche de l’acteur qui aime aussi camper des êtres qui sont confrontés à la solitude et se retrouvent nus, contraints d’assumer leur responsabilité. Dans Apollo 13 par exemple, ce qui est fascinant quand l’accident arrive, c’est que l’équipage se débrouille avec leur expérience pour s’en sortir, et que l’incident permet d’évaluer leur compétence.
On a alors le sentiment que Tom Hanks a besoin de ressentir une certaine fascination pour le personnage pour pouvoir le défendre au plus près. Avec ce capitaine courage, il a sans doute trouvé le bon modèle. Mais il avoue sa surprise quand ll a découvert la méthode du cinéaste : « Avant le tournage, Paul a essayé de m’expliquer à quoi ressemblerait le style du film – caméra à l’épaule, pas de travelling ni de marquage au sol – et m’a demandé si je me sentirais à l’aise. Je lui ai répondu que oui… tout en espérant sincèrement que lors du tournage, je verrais apparaître une dolly pour les travellings et qu’on me dirait où prendre mes marques au sol et vis-à-vis de l’éclairage. Je m’étais trompé. Nous n’avons même pas mis en place les scènes, nous les avons ‘trouvées’. On se réunissait tous les matins pour discuter de la scène durant 1 h 30, 2 heures ou plus, puis on la tournait dans son intégralité – qu’elle dure 8 ou 12 minutes, peu importait – au lieu de la fragmenter en plans. »
Les passionnés de cinéma n’ont plus qu’à faire la comparaison avec Hijacking, le beau film de Tobias Lindholm, sorti l’année dernière, et indirectement inspiré du même acte de piratage…

