L’EXTRAVAGANT VOYAGE DU JEUNE ET PRODIGIEUX T.S. SPIVET, de Jean-Pierre Jeunet – 1h45
Avec Helena Bonham Carter, Judy Davs, Callum Keith Rennie, Kyle Catlett et Niamh Wilson
Sortie : mercredi 16 octobre 2013
Je vote : 3 sur 5
Quezako ?
T.S. Spivet vit,avec ses parents, sa sœur Gracie et son frère Layton, dans un ranch isolé du Montana . Surdoué et passionné de science, le garçonnet l a inventé la machine à mouvement perpétuel, ce qui lui vaut de recevoir le très prestigieux prix Baird du Musée Smithsonian de Washington. Après avoir laissé un mot à sa famille, il part, seul, chercher sa récompense et traverse les Etats-Unis sur un train de marchandises. Mais personne là-bas n’imagine que l’heureux lauréat n’a que 10 ans et qu’il porte un bien lourd secret…
On connaît le style de Jean-Pierre Jeunet, ses mises en scène colorées et enlevées, son goût pour les contes et des personnages qui conservent une innocence malgré tout. En adaptant le gros roman de Reif Larsen, il signe un film bien plus dense que le précédent et où l’émotion est bien présente avec le sentiment de culpabilité du jeune T.S. Un sentiment qui offre dans le discours de réception à Washington un moment qui ne peut qu’émouvoir les plus durs à cuire. Comme s’il avait pour une fois osé jouer, sans pathos et plus directement, sur des sentiments. Il le reconnaît : » L’émotion, c’est aussi une question de nature : certains ont besoin de sortir les violons, d’autres non. Moi, je suis très pudique, donc elle est souvent dans les non-dits, dans la suggestion, mais avec « Spivet » où se cache un vrai mélodrame, je ne pouvais que m’y confronter directement. Même si je reste quand même relativement dans la pudeur. On ne se refait pas ! » Un traitement qui confère à ce conte moderne, sur la confrontation d’un enfant face au monde des grands, une vraie profondeur sans pour autant que le propos ne vire dans la lourde explication psychologique. Usant d’humour, Jeunet en profite au passage pour se moquer de la médiatisation cathodique dans la séquence très réussie où le jeune Spivet doit se confier dans un célèbre show télévisé et bouleverse avec sa mère le rituel bien huilé…
Le récit est servi par une distribution soignée dans laquelle Jeunet n’a pu s’empêcher de convier son vieux copain, Dominique Pinon, dans la peau d’un trimardeur. Au cœur du récit, il y a bien sûr le jeune comédien qui joue T.S. Spivet et est vraiment bluffant de métier. Son visage peut exprimer une grande palette de sentiments qui vont de la naïveté pure à une gravité presque adulte. Commentaires de Jean-Pierre Jeunet : » A 10 ans, il a vécu dans sa vie plus de moments très forts, aussi bien positifs que négatifs, que la plupart des gens dans toute leur vie. Il est extrêmement intelligent. C’est un acteur très brillant qui a de manière complètement naturelle le sens de la comédie, le sens du tempo et un registre très large. Il est aussi à l’aise dans l’humour que dans la gravité, la légèreté, l’émotion… » Callum Keith Rennie dans la peau d’un père à l’âme de cow-boy; Helena Bonham Carter dans celle d’une mère spécialiste d’insectes ou encore Niamh Wilson, la grande sœur qui rêve d’Hollywood forment les autres membres savoureux de ce clan loufoque.Cette fois, les choix de réalisation de Jeunet ne semblent pas gratuits du tout et son option de la 3D est vraiment payante. Cela lui permet de coller à l’univers du roman original qui comporte croquis, plans et notes dans ses marges. Confidences du réalisateur : « C’était normal qu’ils figurent dans le film et le meilleur moyen pour qu’ils y soient était bien évidemment la 3D. C’était l’opportunité de faire flotter ces dessins au milieu de la salle, avec ces effets de « jaillissements » que le public adore ! Mais de la même manière que dans AMÉLIE les effets spéciaux étaient au service de la narration, j’ai voulu que la 3D soit au service du récit et de la poésie. Si bien que dès l’écriture j’ai pensé 3D… »
Il lui permet aussi de donner un souffle certain au grand voyage du jeune Spivet avec notamment les séquences en train, sur les traces d’un Woody Guthrie ou encore celle où un flic le course dans un décor d’usine abandonnée de Chicago. En prime, Jeunet a oublié un peu les couleurs saturées qui étaient sa marque de fabrique et faisaient parfois un peu toc comme si, en se laissant aller à plus d’émotion, il optait aussi pour une image plus réaliste. Il est vrai, comme il a aussi utilisé des décors naturels, il pouvait compter sur leur beauté naturelle.
En tout cas, l’odyssée de Spivet est une réussite et ce garçon parvient à nous entraîner à sa suite dans une aventure étrange et poétique…

