UN NUAGE DANS UN VERRE D’EAU, de Srinath C. Samarasinghe – 1h30
Avec Anamaria Marinca, Gamil Ratib
Sortie : mercredi 14 août 2013
Je vote : 3 sur 5
L’histoire ?
Bien que 50 ans les séparent, Monsieur Noun et Anna cultivent ensemble un sens de la fantaisie, le goût des faits divers et des westerns spaghettis. Lui, égyptien et elle, roumaine, habitent le même vieil immeuble parisien. Ils n’aiment pas se dévoiler face à la caméra de Khalil, le petit-fils de Monsieur Noun, un jeune documentariste qui réalise un portrait de son grand-père. Au fil du temps, le voile des secrets s’étiole et éclaire les histoires du passé. Mais un jour, Monsieur Noun disparaît. Son oreiller est tâchée de sang. Anna mène l’enquête aidée par le fantôme de Monsieur Noun…
Et alors ?
Pour entrer dans une telle histoire où les fantômes ont droit de cité, il faut laisser au vestiaire son goût du rationnel et goûter une certaine atmosphère onirique. Srinath C. Samarasinghe se sert d’un thriller de facture classique -sur fond de trafic de drogue- pour nous embarquer dans une histoire à tiroir où il est aussi question de transmission, que de cinéma, de fantastique que d’une réalité -celle de la prostitution- glauque et de mort. Pour ce faire, il a puisé des informations dans son histoire familiale : son grand-père était, projectionniste puis gérant d’un cinéma au Sri Lanka, son pays d’origine. Et cet aïeul fut aussi malade d’un cancer comme Monsieur Noun. Mais, avec des trouvailles de mise en scène, le cinéaste intègre à son récit une part de fantastique avec le fantôme de ce vieil homme qui vient hanter le quotidien d’Anna, accompagné… d’un poisson rouge en apesanteur dans son appartement en désordre.
Outre cette mise en scène légère et ponctuée de moments d’humour -avec le personnage du concierge de l’immeuble par exemple- le film tient dans le jeu des comédiens principaux. Découverte dans Quatre mois, trois semaines, deux jours, de Christian Mungiu, Anamaria Marinca exprime avec une grande finesse la dualité de la personnalité de cette jeune femme qui conserve une part de fraicheur malgré sa vie quotidienne si sombre et son protecteur qui peut user de violence. Elle dit : « Pour moi, ce film est d’abord une histoire d’amour, la rencontre magique de deux solitudes… » On retrouve aussi avec bonheur Gamil Ratib, né en 1926 à Alexandrie et qui marqua de sa présence des films comme Lawrence d’Arabie. Commentaires du comédien qui parvient à exprimer toute la bonté du monde dans un simple jeu de regard : « Ces deux-là n’ont presque rien en commun, sinon une profonde humanité qu tisse entre eux une jolie et touchante affection. Sensible et tolérant, Monsieur Noun ne juge pas. Il va vers l’essentiel et invite Anna dans son univers intérieur. »
Il y a dans ce film une petite musique qui peut dérouter, intriguer mais ne laisse jamais de marbre même si l’intrusion du fantastique arrive un peu tardivement et manque parfois de ligne directrice. En tout cas, une œuvre étrange et qui marque.

