MARIUS (et) FANNY, deux films réalisés par Daniel Auteuil – 1h33 et 1h42
Avec Daniel Auteuil, Victoire Bélézy, Jean-Pierre Darroussin, Raphaël Personnaz et Marie-Anne Chazel
Sortie (en région PACA) : mercredi 3 juillet 2013
et ailleurs le 10 juillet 2013
Je vote : 3 sur 5
Quezako ?
Marius : sur le Vieux-Port de Marseille, dans le Bar de la Marine tenu par César et son fils Marius. Marius ne rêve que de prendre le large vers les pays lointains. Fanny, jeune et jolie marchande de coquillages l’aime secrètement depuis l’enfance ; Marius, sans l’avouer, a toujours aimé Fanny. Pour retenir Marius, pressenti pour un engagement sur un navire, Fanny lui dévoile son amour et parvient à attiser sa jalousie en provoquant une vive dispute entre Marius et un vieil ami de César, le maître-voilier Panisse, qui, bien que beaucoup plus âgé, courtise Fanny. Partagé entre l’appel de la mer et son amour pour Fanny, Marius renonce à son projet et finit
par s’unir à Fanny qui s’offre à lui. Mais, alors que César et Honorine, la mère de Fanny, sont prêts à les marier, Marius est repris par sa folie de la mer. Poussé par Fanny qui se sacrifie par amour, Marius part, abandonnant Fanny bouleversée, qui cache à César le départ de son fils.
Fanny : Fanny apprend qu’elle attend un enfant de Marius. Se retrouvant en position dramatique de fille-mère, incapable d’assurer son propre avenir et celui de son enfant, elle accepte alors, avec l’approbation de sa mère et du grand-père de son enfant, César, de se marier avec Honoré Panisse. Âgé de trente ans de plus qu’elle, Panisse reconnaît son enfant et l’élève comme le sien. Il leur apporte une prospérité certaine, une honorabilité sociale retrouvée. Quelques mois après le mariage et la naissance du bébé, Marius, prenant conscience de son amour pour Fanny durant son voyage lointain, mais qui n’a pas de situation sérieuse, revient et cherche à reconquérir Fanny, toujours amoureuse de lui…
2 raisons d’aller découvrir cette version ?
Enfant du Midi, Daniel Auteuil a, depuis longtemps, évoqué sa fascination pour l’œuvre de Pagnol. Il avait déjà fait un premier pas, il y a deux ans, en adaptant, un peu trop sagement il est vrai, La Fille du puisatier. Avec ces deux nouveaux films, le comédien passé à la réalisation s’attaque à un morceau de bravoure : tourner la trilogie de Marcel Pagnol dont les scènes et les répliques ont bercé plus d’une génération de spectateurs. Il réussit à signer deux films de belle facture où le souci du détail, la beauté des décors et le sens du récit sont bien au rendez-vous, même si Auteuil fait une adaptation très classique. Il souligne : « En adaptant la trilogie, j’ai souhaité revenir aux sources de cette mythologie comme d’autres revisitent inlassablement Shakespeare, Tchekhov ou Molière. Je suis reparti des pièces de Marcel Pagnol bien plus que du film d’Alexander Korda – « Marius », ou de celui de Marc Allégret – « Fanny »
On trouve ici ce qu’on retrouvera dix ans plus tard dans « La Fille du puisatier » . Tout chez Pagnol est répété. C’est le même thème qu’il traite indifféremment, la poursuite sans trêve de la recherche des sentiments. De nouveau, nous sommes face à l’absence de la mère, du départ des enfants et de la figure forte et maternelle du père. Ces deux récits cristallisent de nombreux thèmes modernes et intemporels que je souhaitais mettre en avant et notamment celui des liens du sang. La question centrale est celle de la paternité. Qui est le père, celui qui paye les biberons ou celui qui donne la vie ? Et si les liens du sang n’étaient pas si primordiaux et que seul comptait l’amour !? »
Utilisant la mer comme élément central du récit -même si la symbolique est parfois un brin trop appuyé avec des plans un brin répétitifs- Auteuil évoque aussi bien d’autres thèmes qui sont chers à Pagnol : la fraternité des gens du peuple, la hauteur morale, l’amitié…
Pour recréer le petit monde de Pagnol, Auteuil ne fait pas d’erreur de casting. Face à Fanny, campée par la jolie Victoire Belezy, (révélée par Plus belle la vie), il a choisi avec Raphaël Personnaz, un comédien qui sait exprimer toute la complexité de Marius, un jeune mec mal dans sa peau, et tiraillé entre son appel pour le large et l’amour pour jeune fille. Entre Gabin et Delon des débuts, il
parvient à montrer les fissures d’un homme égoïste qui a du mal à assumer ses choix.
Familier des personnages de l’Estaque, chère à Robert Guédiguian, Jean-Pierre Darroussin est un Panisse très touchant, dans son amour respectueux pour cette jeune fille bien plus jeune que lui. Quant à Marie-Anne Chazel, elle nous surprend dans le rôle d’Honorine, une femme tiraillée entre l’amour pour sa fille et le respect des règles sociales.
Sans faire oublier la prestation de Raimu, Daniel Auteuil s’est glissé avec un certain brio dans la carcasse de César, un père qui exprime beaucoup de choses en peu de mots et masque ses doutes derrière une faconde méridionale. Il raconte : « César, malgré ses fulgurances et ses
expressions fleuries, est un homme qui ne sait parler à personne. Pas plus à son fils qu’aux autres. Parfois, quand il y est contraint, il livre ce qu’il a au fond du coeur, des choses d’amour, de raison, de logique, de lucidité et de cruauté. Il sait voir mais il est impuissant à traduire ses émotions par des paroles. Les échanges avec son fils ne passent pas par les mots, mais par des regards. C’est ce que j’ai voulu capter à l’image. Je pense que c’est aussi par les yeux que les gens se parlent. S’il avait pu, il aurait expliqué à son fils que cela ne servait à rien de partir. »
En attendant la suite, et ce César que le réalisateur doit nous offrir, les deux premiers volets de la trilogie témoigne de la modernité du petit monde de Pagnol où, sur le ton de la comédie, une philosophie certaine de la vie s’exprime. Un univers qui ne manque ni de charme, ni de profondeur…
