LES BEAUX JOURS, de Marion Vernoux – 1h34
Avec Fanny Ardant, Laurent Lafitte, Patrick Chesnais, Jean-François Stévenin
Sortie : mercredi 19 juin 2013
Je vote : 4 sur 5
Quezako ?
Dentiste fraîchement retraitée, Caroline n’a que ça devant elle : du temps libre et encore du temps libre. La belle vie ? Pas si simple… Comment alors tout réinventer ? Transgresser les règles, provoquer de nouvelles rencontres, ou bien simplement remplir son agenda ? Le cours de son existence est bouleversée le jour où, suite à un cadeau de ses filles, elle prend un cours d’informatique dans une association pour seniors de la ville de Dunkerque.
Et alors ?
Pour raconter cette histoire d’amour clandestine -et ce d’autant plus que nous sommes dans une petite ville industrielle où il est bien difficile de se cacher- Marion Vernoux s’est inspirée du roman Fanny Chesnel, Une jeune fille aux cheveux blancs, co-scénariste du film. A quatre mains, elles ont imaginé un récit qui dépasse le simple adultère entre une femme de 60 ans et un homme de vingt ans plus jeune qu’elle. Cette rencontre est aussi prétexte à évoquer l’usure d’un couple installé, la peur de vieillir en n’ayant plus de désir, la vie de seniors, le regard des autres… Bref, pour employer les mots à la mode, on est loin des aventures d’une cougar. Un mot que déteste Fanny Ardant et qui le dit : « Je n’ai jamais compris l’appellation « cougar ». C’est un terme venant d’Amérique désignant une panthère, c’est ça ? Je n’aime pas du tout le côté « petite femme sexy de pouvoir » qu’il évoque. Quelle barbe ! Caroline est à mille lieues de ce genre de femme. Le meilleur exemple est le moment où la jeune maîtresse de Julien arrive. Sûrement que Caroline a mal mais elle transforme sa peine en quelque chose de drôle, grâce à son intelligence et sa vivacité. Il se trouve qu’elle est tombée sur ce garçon qui a l’âge d’être son fils mais il n’y a rien d‘incestueux, lui-même ne cherche pas une maman. C’était bien que Laurent Lafitte soit grand, d’emblée, cela m’enlève tout côté protecteur. »
Au cœur du film, il y a Fanny Ardant, étonnante avec sa coiffure blonde et dont la diction se fait ici plus naturelle, plus libre. Non sans humour et distance, elle a a accepté de changer de registre et d’images comme le souligne la réalisatrice : » Je n’ai pas pensé spontanément à elle car son registre habituel n’allait pas avec le côté spontané et espiègle du personnage. Mais je savais aussi que je cherchais une actrice belle tout en n’étant pas trop dans l’image d’elle-même… Et qui accepte d’incarner un personnage qui va dans un club pour retraités, qui a des scènes de lit avec un homme beaucoup plus jeune… Et d’assumer un scénario où revenaient à plusieurs reprises les mots « vieille », « vieillir »… On ne répètera jamais assez à quel point la vieillesse reste un tabou. Heureusement, Fanny a su s’en amuser plutôt que de s’en formaliser. »
Face à elle, Laurent Lafitte surprend dans un emploi inhabituel pour lui, celui d’un tombeur de femmes, assez sûr de lui même s’il ne sait pas trop où le conduit sa vie et qu’il semble flotter de rencontre en rencontre fort d’une insouciance de façade quasi adolescente. Il souligne : « Julien est dans le constat que sa vie n’est pas terrible mais il ne cherche pas à évoluer. Il n’empêche, c’est quelqu’un de droit, un peu brut de décoffrage, qui regarde direct dans l’œil. Il est moqueur mais jamais dans l’ironie ni dans le cynisme. »
La force du récit repose aussi sur les autres personnages qui gravitent dans le scénario : un mari bouffé par son travail (Patrick Chesnais toujours impeccable) et qui ne se rend pas compte de prime abord que sa femme rêve de retrouver le désir de vivre; les membres du club pour 3ème âge avec des séquences drôles sans être ironiques comme ce cours de théâtre aussi improbable que vrai; les filles de Caroline… Cela ménage des moments qui sont souvent d’une grande justesse : ainsi quand, assise sur un banc, Caroline apprend à ses filles qu’elle a une aventure.
Au final, ce récit est une description réussie de la vieillesse comme expression d’une vitalité intacte. C’est aussi le sens de la scène finale où tous les membres du club se jettent, au sens propre, dans les eaux froides de la mer du Nord. Marion Vernoux raconte : « En montrant des corps de tous âges, tous genres, tous poids, tous poils, j’entendais briser un tabou. » Ce n’est pas le moindre mérite de ces Beaux jours.
