
LA SOCIEDAD DEL SEMÁFORO de Rubén Mendoza – 1h45
Avec Alexis Zuñiga, Abelardo Jaimes, Gala Bernal
Sortie : mercredi 12 juin 2013
Je vote : 4 sur 5
Quezako ?
Raúl, un paysan déplacé par la violence, vit désormais à un carrefour de Bogota. Épris de liberté et aliéné par la drogue, il se bat pour contrôler la durée du feu rouge afin que vendeurs ambulants, acrobates ou handicapés aient le temps de mendier. Les feux de signalisation sont pour ces hommes leur vie même s’ils la risquent dans ce carrefour de tous les dangers.
Pourquoi y aller ?
Avec un tel premier film, on mesure la vitalité du cinéma colombien tant Mendoza cogne fort. En décrivant au ras du goudron la vie de ces pauvres qui survivent en mendiant, vendant des « tinto », ce café noir, ou en crachant le feu, il signe une fable pleine de vitalité sur la marginalité en évitant bien des complaisances. La volonté de Raúl d’offrir un enterrement décent à un des ses amis de la rue est tout un symbole avec, au final, la révolte des pauvres sous ce feu rouge des derniers espoirs mais aussi de tous les dangers. Le cinéaste souligne : « J’ai voulu mon film comme une célébration de la (sur)vie, de l’anarchie, de la trahison et de la poésie des recycleurs. »
Là où son film nous bluffe, c’est dans son casting fait dans la rue avec des personnes choisies dans cette cours des Miracles moderne, dont il a scruté la réalité. « Les acteurs sont tous non-professionnels et vivent dans la rue, j’ai recherché plusieurs personnes que j’avais rencontrées au moment de mes recherches, en vain : disparues? Tuées? Oubliées? Personne ne se soucie de ces gens-là. J’ai travaillé de longs mois avec eux, caméra à la main, afin qu’ils l’appréhendent comme une extension de mon bras et que je puisse, avec leur permission, voler un peu de leur vie à 24 images par seconde » dit-il.
Mettant ses pas dans le Buñuel de Los Olvidados, Mendoza prouve son sens de la mise en scène dans de nombreuses séquences : plans de mendiants qui se glissent dans le flot des voitures; visions de la ville la nuit; échappée dans la campagne colombienne avec ses décors accidentés…. Un film à l’indéniable poésie pour un cinéaste qui refuse d’être catalogué comme « engagé » et le dit clairement : ‘‘Je n’ai pas voulu faire un film politique, Je ne suis ni un anthropologue, ni un assistant social. C’est un film sur des histoires qui ont été des révélations pour moi, des histoires individuelles où l’espoir s’écrase contre la réalité. » Engagé ou pas, ce film est en tout cas une œuvre forte et qui pose sur le quotidien de la Capitale colombienne un regard sans complaisance.

