UNE CLASSE OUVRIERE EN PERDITION

D’ACIER, de Stefano Mordini – 1h35

avec Vittoria Puccini, Michele Riondino, Anna Bellezza, Matilde Giannini

Sortie : mercredi 5 juin 2013

Je vote : 3  sur 5

L’histoire ?

Il y a la Méditerranée, la lumière, l’île d’Elbe au loin. Mais ce n’est pas un lieu de vacances. Sur cette terre, ont poussé brutalement les usines et les barres de béton. Anna et Francesca, bientôt quatorze ans, essaient de tracer leur route. Elles rêvent d’évasion et parient sur leur amitié profonde pour rêver une vie différente…

IMG_95262 raisons d’aimer ce film ?

Stefano Mordini nous fait ressentir de l’intérieur le monde ouvrier et l’univers d’une aciérie. Venu du documentaire, ce cinéaste sait capter la sensualité de ce décor industriel, dont la beauté minérale contraste avec le cadre magnifique de cette côte méditerranéenne, et l’île d’Elbe en forme d’appel à l’évasion et symbole de la pureté d’un monde disparu. A travers le personnage d’Alessio, le grand frère fier de son travail à l’usine même s’il multiplie les combines pour gagner plus d’argent, le cinéaste nous fait clairement percevoir le rapport complexe, mélange d’amour et de haine, que les ouvriers entretiennent avec leur entreprise. Evoquant la longue préparation du tournage, Stefano Mordini déclare : Haine et amour pour les usines – ces grandes cathédrales reflets d’une puissance passée – orgueil pour la qualité des produits, angoisse face aux rumeurs qui courent sur la direction, protestations contre les politiques territoriales. Ce sont là les thèmes auxquels nous nous sommes confrontés pendant des mois durant l’écriture et la préparation du film. La caméra ne filmait pas encore, mais c’était comme si elle le faisait déjà. Dans la fugacité du cadre cinématographique, il reste presque toujours une synthèse des moments vécus. »

Bien sûr, le cinéaste n’évite pas certains pièges : la bisexualité des héroïnes, l’absence des pères ou leur violence quand ils sont présents dans les familles… En revanche, à travers les relations d’Alessio avec son ancienne amoureuse, qui travaille désormais à la direction de l’usine, il a le mérite de montrer que, contrairement à certaines idées reçues, la lutte des classes n’est pas une vue de l’esprit.

IMG_0049L’autre astuce du film inspiré du roman éponyme de Silvia  Avallone qui a collaboré à l’écriture du film, c’est de mettre au centre du récit ces deux jeunes filles campées par deux comédiennes qui font preuve d’une étonnante maturité. A travers leur parcours – avec la tentation de la prostitution pour l’une d’elles- le cinéaste signe un portrait touchant de la quête adolescente. Au début du roman, Silvia Avallone écrit : « L’adolescence est un âge en devenir. » Dans un tel cadre, ce devenir semble singulièrement menacé.

En tout cas, Stefano Mordini a un vrai coup de griffe et il faudra désormais compter avec un ce cinéaste.

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