DEMI-SŒUR, de Josiane Balasko – 1h30
Avec Josiane Balasko, Michel Blanc, Brigitte Roüan François Lépine
Sortie : mercredi 5 juin 2013
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Quezako ?
Nénette (Josiane Balasko) est une petite fille de soixante ans qu’un problème à la naissance a rendue différente. Doté d’un âge mental d’une enfant de 8 ans, elle a toujours vécu avec sa mère, fait le ménage à l’école de la commune. Sa confidente est une tortue qu’elle trimballe partout. Mais à la mort de sa mère, Nénette doit partir en maison spécialisée. Comme elle interdit l’entrée des animaux, Nénette part avec l’idée de retrouver son père, dont elle possède une photo jaunie, une lettre et une adresse. Arrivée après quelques péripéties dans une rave à l’adresse indiquée , une pharmacie, ce n’est pas son père qu’elle trouve, mais le fils de ce dernier, Paul Bérard (Michel Blanc), pharmacien psychorigide, qui la reçoit sans la moindre douceur…
Et alors ?
Josiane Balasko a choisi d’évoquer la différence et les personnes mentalement attardées sur le ton de la comédie douce et avec de l’humour. Une manière pudique de contrôler l’émotion. Propos : « J’avais l’envie de raconter une histoire simple, la rencontre de personnages qui viennent de mondes diamétralement opposés, et qui vont finir par se retrouver. Le monde d’Antoinette Novack, dite Nénette, c’est l’enfance, l’enfance à perpétuité. Elle a sans doute été victime d’une naissance prématurée, sans les soins appropriés que notre époque aurait pu lui apporter. Le monde de Paul, c’est avant tout une pharmacie de province, sans rêves, sans amis, sans réelle famille, un monde solitaire dont il s’échappe en élevant des Bernard-l’hermite, ces crustacés disgracieux qui vivent dans la coquille des autres. Paul est un être fermé, conformiste, misanthrope, sa vie est une toute petite ligne tracée au cordeau. Il s’est enveloppé dans son égoïsme comme dans un cocon. Et le jour où il découvre que cette petite bonne femme au comportement singulier est sa demi-soeur, l’idée lui en est insupportable. »
Avec un tel récit, la réussite repose sur le jeu des comédiens. Pour Josiane Balasko, le pari -gagné- était de donner vie à Nenette, cette adulte-enfant en mal d’amour, sans forcer le trait, ni tomber dans la composition. Dans certaines séquences, elle parvient même à nous faire ressentir les émotions profondes Nénette, notamment dans celle de la rave en pleine campagne où elle se met à pleurer devant le jeu scénique de la chanteuse du groupe de hard-rock se produisant dans la rave party . La réalisatrice souligne : « Jouer un enfant, lorsque l’on a de très loin passé l’âge, est une gageure. J’ai alors imaginé Nénette, et ses réactions enfantines, bouderies, crises de larmes disproportionnées, joies intenses, naïveté totale, et surtout, une énorme confiance dans la bonté des autres. Faire exister Nénette n’a pas été de tout repos : ne pas en faire un cas pathologique, ce n’est pas le propos , et rester dans la vérité de
l’enfance, aller à fond dans les émotions qui la traversent; mais une fois cernée, Nénette reste la même, c’est son frère qui va évoluer et venir à elle ».
Ce frère tombé du ciel ou presque, c’est Michel Blanc qui s’amuse à composer ce personnage de pharmacien qui sermonne ses clientes -l’occasion pour la réalisatrice de dresser un portrait ironique de la petite bourgeoisie de province, campée sur ses certitudes- et ne vit que pour ses Bernard-L’hermite. Un personnage aigri que l’irruption de cette sœur inconnue et si différente va radicalement changer. Là où l’acteur fait une jolie composition c’est quand il se glisse dans la peau d’un psychorigide qui se lâche suite à la prise accidentelle de pilules d’ectasy. Même s’il avait déjà « donné » dans Marche à l’ombre, il avoue ses peurs sur le tournage : « J’ai joué comme un aveugle à qui on apprendrait à danser la rumba. Ce n’était pas l’ivresse qu’il fallait interpréter mais un émerveillement pour une couleur de pull, pour tout. Ils sont comme ça il paraît. Moi pas. Je ne pouvais pas savoir si ce que je faisais était correct ou si c’était grotesque. Donc je demandais à Josiane si c’était trop ou pas assez, j’étais « au radar ».
Si le scénario n’évite pas certaines conventions -les réactions de Nénette à l’enterrement de sa mère dans la séquence d’ouverture; une certaine naïveté dans son plaidoyer pour la tolérance- si elle a du mal à trouver une fin et que la mise en scène manque de nerf et d’originalité, Josiane Balasko parvient à faire entendre sa petite musique en s’appuyant sur sa direction d’acteurs. Et la complicité qu’elle a avec Michel Blanc qui offre quelques beaux moments de comédie sociale et de tendresse.
